H i s t o i r e N a t u r e i l e
que nous les apportons dans nos jardins, où ils font
foignés, protégés & nourris, d’autres, tels que les lézards
gris , préfentent quelquefois une forte de domefticité,
moins parfaite, mais plus libre, puifqu’elle eft entièrer
ment de leur choix, plus utile, parce qu’ils détruifent
plus d’infectes nuifibles, & , pour ainfi dire, plus noble,
puifqu’ils ne reçoivent de l’homme ni nourriture préparée
, ni retraite particulière,
Prefque tous les Quadrupèdes ovipares répandent
une odeur forte, qui ne diffère pas beaucoup de celle
du mufc , mais qui eft moins agréable , & qui par
conféquent reffemble un peu à celle qu’exhalent des
animaux d’ordres bien différens , tels que les fer-
pens, les fouines, les belettes, les putois, les mouf-
fètes d’Amérique , plufieurs oifeaux , tels que la
huppe, &c. cette odeur plus ou moins vive eft le produit
de fecrétions particulières, dont 1 organe eft tres-
apparent dans quelques Quadrupèdes ovipares, & particulièrement
dans le crocodile, ainfi que nous le verrons
dans les détails de cette Hiftoire,
L,es Quadrupèdes ovipares vivent en general tres-
îong-tems. On ne peut guère ’douter, par exemple, que
les grandes tortues de mer ne parviennent, ainfi que
celles d’eau douce & de terre , a un âge tres-avance ; &-
une très-longue vie ne doit pas étonner dans ces animaux,
dont le fang eft peu échauffé, qui tranfpirent à
peine, qui peuvent fe paffer de nourriture pendant
plufieurs'
D E S Q tTA D R V P R D E S O V I P A R E S . 4 t
plufieurs mois , qui ont fi peu d’accidens à craindre ,
& qui réparent fi aifément les pertes qu’ils éprouvent.
D’ailleurs ils vivent pendant un bien plus grand nombre
d’années que les Quadrupèdes vivipares, fi l’on ne calcule
l’exiftence que par la durée. Mais fi l’on veut
compter les vrais momens de leur v ie , les feuls que
l’on doive eftimer , ceux où ils ufent de leur force &
font ufage de leurs falcultés, oit verra que lorfqu’ils
habitent un pays éloigné de la ligne , leur vie eft bien
■ courte, quoiqu’elle paroiffe renfermer un grand efpace
de tems. Engourdis pendant près de fix mois , il faut
d’abord retrancher la moitié de leurs nombreufes années;
& pendant le refte de ces: ans, qui paroiffent
leur avoir été prodigués, combien ne faut-il pas ôter
de jours pour ce tems de maladie , où dépouillés de
leur première peau, ils font obligés'd’attendre dans une.
retraite qu’une nouvelle couverture les mette à l ’abri
des dangers ! Combien ne faut-il pas ôter d’inftans pour
-ce fommeil journalier, auquel ils font plus fujets .que
plufieurs autres animaux, parce qu’ils reçoivent moins
de fenfations qui'les réveillent;, & fur-tout parce qu’ils
font moins preflës par l’aiguillon de la - faim ! Il ne
reftera donc qu’un très-petit nombre d’années où les
Quadrupèdes ovipares foient. réellement fenfibles &
aéfifs, où ils emploient leurs forces, où ils ufent leur
machine, où ils tendent avec rapidité vers leur dépé-
riflémènt. Pendant tout le téms de leur fopeur, inac-*
Ovipares, Tome I. F