.102 H i s t o i r e N a t u r e l l e
Il a ordinairement cinq ou fix pouces de long, &
un demi-pouce de large : & quelle différence entre
ce petit animal & l’énorme crocodile ! Auffi ce prodigieux
Quadrupède ovipare n’eft-il prefque jamais
apperçu qu’avec effroi ; tandis qu’on voit avec intérêt
le petit lézard Gris jouer innocemment parmi les fleurs
avec ceux de fon efpèce, & par la rapidité de fes
agréables évolutions, mériter le nom d’agile que Linné
lui a donné. On ne craint point ce lézard doux tSc
paifible ; on l’obferve de près ; il échappe communément
avec rapidité, lorfqu’on veut le faifir ; mais lorf-
qu’on l’a pris, on le manie fans qu’il cherche à mordre
; les enfans en font un jouet ; & par une fuite de
la grande douceur de fon caractère, il devient familier
avec eux. On diroit qu’il cherche à leur rendre carefle
pour careffe ; il approche innocemment fa bouche de
leur bouche; il fuce leur falive avec avidité; les
Anciens l’ont appellé l ’ami de l ’homme, il auroit fallu
l’appeller l’ami de l’enfance.: mais cette enfance fou-
vent ingrate ou du moins trop inconftante , ne rend
pas toujours le bien pour le bien à ce foible animal ;
elle lé mutile ; elle lui fait perdre une partie de fa
queue très-fragile, & dont les tendres vertèbres peuvent
aifément fe féparer ( d ) .
(d ) « M. Marchand a remarqué, dans les Mémoires de l’Académie
v royale des Sciences, annçe 1 718, que ces animaux avoient quelquefois
d e s Q v a j >r u p è d e s o v i p a r e s . 303
Cette queue qui va toujours en diminuant de grof-
feur, <Sc qui fe termine en pointe, eft à-peu-pres deux
fois auffi longue que le corps : elle eft tachetee de
blanc & d’un noir peu foncé, & les petites écailles-
qui la couvrent forment des anneaux affez fenfibles,
fouvent au nombre de quatre-vingt. Lorfqu’elle a été
brifée par quelqu’accident, elle repouffe quelquefois;
& fuivant quelle a été divifée en plus ou moins de
parties, elle eft remplacée par deux & même queldeux
queues, & c’eft ce que Pline & plufieurs autres avoient déjà«
obfervé avant lui. On en trouve quelquefois de tels en Portugal ;«
mais comme rien n’eft plus commun, dans ce pays-là , que de voir ce
les enfans les tourmenter de tontes fortes de façons, peut-etre arrive-«
t-il que leur ayant fendu la queue fuivant fa longueur, chacune des«
portions s’arrondit, & devient une queue ’complète -, car il eft très- «
ordinaire que fi toute leur queue , ou feulement une partie,, fe perd«
par quelqu’accident, elle recroifle d’elle-mêmé -, j.’en ai vu une infinité ce.
d’exemples; & c’eft-là une perte à laquelle ils font expofés tous les«
jours, lors même qu’ils ne font que jouer entr’eux; car les petites«
vertèbres offenfes, qui forment leur- queue, font trcs-fragiles, & fe «
déparent aifément les unes des autres : auffi voit-on très-foùvent des «
queues de toutes fortes de.longueurs à des lézards, qui font d’ailleurs«
de même taille. Au refte, M„ Marchand nous apprend qu’ayant voulu«
être témoin de cette production, l’expérience ne lui a pas réuffi , fans ce
qu’il ait pu découvrir à quoi il en tenoit. Suivant lu i, cette nouvelle ce
queue eft une efpèce de tendon, & n’eft point formée par des ver- ce
tèbres cartilagineufes, comme la vieille. » Nouvelles cbfery allons micron-
topiques , par M. Needham ypage 141^