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 Il  a  ordinairement  cinq  ou  fix  pouces  de  long, &  
 un  demi-pouce  de  large  :  &  quelle  différence  entre  
 ce  petit  animal  &  l’énorme  crocodile  !  Auffi  ce prodigieux  
 Quadrupède  ovipare  n’eft-il  prefque  jamais  
 apperçu  qu’avec  effroi ;  tandis  qu’on voit  avec intérêt  
 le petit lézard Gris jouer innocemment parmi  les fleurs  
 avec  ceux  de  fon  efpèce,  &  par  la  rapidité  de  fes  
 agréables évolutions, mériter le  nom  d’agile  que Linné  
 lui a  donné.  On  ne  craint  point  ce  lézard  doux  tSc  
 paifible ;  on  l’obferve  de  près ;  il  échappe  communément  
 avec  rapidité, lorfqu’on  veut le faifir ; mais lorf-  
 qu’on  l’a  pris,  on  le  manie  fans  qu’il  cherche à mordre  
 ;  les  enfans  en  font  un  jouet ;  &  par une fuite de  
 la grande  douceur  de  fon  caractère, il  devient familier  
 avec eux. On  diroit qu’il  cherche à leur  rendre  carefle  
 pour  careffe  ;  il  approche  innocemment  fa  bouche  de  
 leur  bouche;  il  fuce  leur  falive  avec  avidité;  les  
 Anciens  l’ont  appellé  l ’ami  de  l ’homme, il  auroit  fallu  
 l’appeller  l’ami  de  l’enfance.:  mais  cette enfance fou-  
 vent  ingrate  ou  du  moins  trop  inconftante ,  ne  rend  
 pas  toujours  le  bien  pour  le  bien à ce  foible  animal ;  
 elle  lé  mutile ;  elle  lui  fait  perdre  une  partie  de  fa  
 queue  très-fragile,  &  dont  les  tendres  vertèbres  peuvent  
 aifément  fe  féparer  ( d ) . 
 (d )  «   M.  Marchand  a  remarqué,  dans  les  Mémoires  de  l’Académie  
 v  royale des Sciences, annçe  1 718,  que  ces animaux  avoient  quelquefois 
 d e s   Q v a j >r u p è d e s   o v i p a r e s .  303  
 Cette  queue  qui  va  toujours  en  diminuant de grof-  
 feur, <Sc  qui  fe  termine en pointe, eft  à-peu-pres deux  
 fois  auffi  longue  que  le  corps :  elle  eft  tachetee  de  
 blanc  &  d’un  noir  peu  foncé,  &  les  petites  écailles-  
 qui  la  couvrent  forment  des  anneaux  affez  fenfibles,  
 fouvent  au  nombre  de  quatre-vingt.  Lorfqu’elle a  été  
 brifée  par  quelqu’accident,  elle  repouffe  quelquefois;  
 &  fuivant  quelle  a  été  divifée  en  plus  ou  moins  de  
 parties,  elle  eft  remplacée  par  deux  &  même  queldeux  
 queues,  &  c’eft  ce  que  Pline  &  plufieurs  autres  avoient  déjà«  
 obfervé  avant  lui.  On  en  trouve  quelquefois  de  tels  en  Portugal ;«   
 mais  comme  rien n’eft  plus  commun,  dans  ce  pays-là  ,   que  de  voir ce  
 les enfans  les tourmenter  de  tontes fortes  de  façons,  peut-etre  arrive-«  
 t-il  que  leur  ayant  fendu  la  queue  fuivant  fa  longueur,  chacune  des«  
 portions  s’arrondit,  &   devient  une  queue  ’complète -,  car  il  eft  très- «  
 ordinaire  que  fi  toute  leur  queue ,  ou  feulement  une  partie,, fe perd«  
 par  quelqu’accident,  elle  recroifle  d’elle-mêmé -,  j.’en  ai vu une infinité ce.  
 d’exemples;  &  c’eft-là  une  perte  à  laquelle  ils  font  expofés  tous  les«  
 jours,  lors  même  qu’ils  ne  font  que  jouer  entr’eux;  car  les  petites«  
 vertèbres  offenfes,  qui  forment  leur-  queue,  font  trcs-fragiles,  &   fe «   
 déparent  aifément  les  unes  des  autres :  auffi  voit-on  très-foùvent  des «   
 queues  de  toutes  fortes  de.longueurs à  des  lézards, qui font  d’ailleurs«  
 de  même  taille.  Au  refte, M„ Marchand  nous apprend  qu’ayant voulu«  
 être  témoin  de  cette  production,  l’expérience  ne  lui  a  pas  réuffi ,  fans ce  
 qu’il  ait  pu découvrir  à  quoi  il  en  tenoit.  Suivant lu i,  cette  nouvelle ce  
 queue  eft une  efpèce  de  tendon,  &  n’eft  point  formée  par  des  ver- ce  
 tèbres cartilagineufes,  comme la vieille.  »   Nouvelles cbfery allons micron-  
 topiques , par M.  Needham ypage  141^