U on fe contente quelquefois d’approcher doucement
dans un efquif des tortues franches, qui dorment &
flottent à la furface de la mer : on les retourne on
les faifit, avant qu elles n’aient eu lé tems de fe réveiller
& de s’enfuir; on les pouffe enfuite devant foi
jufqu’à la rive ; & c’eft à-peu-près de cette manière
que les Anciens les pêchoient dans les mers de l’Inqle ( r) |
Pline a écrit qu’on les entend ronfler d’afTez loin, lorf-
qu’elles dorment en flottant à la furfacé de l’eau. L e
ronflement que ce Naturalifte leur attribue, pourroit
venir du peu d’ouverture de leur glote, qui eft étroite,
ainfi que celle des tortues de terre ( s ) ; ce qui doit
ajouter à la facilité qu’ont ces animaux de ne point
avaler l’eau dans laquelle ils font plongés.
Si les tortues demeurent quelque tems fur l’eau
expofées pendant le jour à toute l’ardeur des contrées
équatoriales, lorfque la mer eft prefque calme &
que les petits flots ne pouvant point atteindre jufqu’au-
deffus de leur carapace,.ceffent de le baigner, le foleil
delfèche cette couverture, la rend plus légère, & empêche
les tortues de plonger aifément, tant leur légerete
fpécifique eft voifine de celle de l’eau, & tant elles
( r ) Pline, Liv. IX , Chap. x ir .
( s ) Mém. pour f in ir à ÏHiJloire naturelle des animaux, art. de. 1a
portue ie Coromandel.
ont de peine à augmenter leur poids (t). Les tortues
peuvent en effet fe rendre plus ou moins pefantes ,
en recevant plus ou moins d’air dafis leurs poumons,
& en augmentant ou diminuant par-là le volume de
leur corps, de même que les poiffons introduifent de
l’air dans leur veffie aérienne lorfqu’ils veulent s’élever
à la furface de l’eau ; mais il faut que le poids que les
tortues peuvent fe donner en chaflànt l’air de leurs
poumons ne foit pas très-confidérable, puifqu’il ne
peut balancer celui que leur fait perdre la déification
de leur carapace , & qui n’égale jamais le
feizième du poids total de l’animal, ainfi que .nous
nous en fommes affurés par l’expérience rapportée dans
la note fuivante (u ) .
(t) P lin e, Liv. IX , Chap. x n .
( u) Nous avons pefé avec foin la carapace d’une petite tortue franche ;.
nous 1 avons enfuite mife dans un grand vafe rempli d’eau, oùnous lavons
laiffee un mois & demi ; nous l'avons pefée de nouveau en la tirant de
L au , & ayant quelle eût perdu celle dont1 elle étoit pénétrée. Son poids
a été augmenté par l’imbibition de : la déification que la chaleur du
foleil produit dans la couverture fupérieure d’une tortue franche ,
qui flotte à la furface de la mer , ne peut donc la rendre plus légère
que de : la carapace des plus grandes tortues ne pefant guère que
278 livres ou environ, l’ardeur du foleil ne doit la rendre plus légère
que de 45 livres, qui font au-delfous du feizième de 800 livres, poids
total des très-grandes tortues.