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 très**près  de  la  tortue,  &   faifit  fa  carapace  vers  la  
 queue;  en  enfonçant  ainfi  le  derrière  de  l’animal,-il  
 le  réveille,  l’oblige  à  fe  débattre,  &   ce  mouvement  
 fuffit  pour  foutenir  fur  l’eau  la  tortue . &   le  plongeur  
 qui l’empêche  de  s’éloigner  jufqu’à ce qu’on vienne les  
 pêcher  ( o ) . 
 Sur  les  cotes  de  la  Guyane,  on  prend  les  tortues  
 avec  une  forte  de  filet,  nommé  la foie ;  il  eft large  de  
 quinze  à  vingt  pieds,  fur  quarante  ou  cinquante  de  
 long.  Les mailles  ont  un  pied  d’ouverture  en  quarré,  
 &   le  fil  a  une  ligne &  demie  de  grofieur.  On attache  
 de  deux  en  deux  mailles,  deux flots,  d’un  demi-pied  
 de  longueur,  faits  d’une,  tige  épineufe, que  les Indiens 
 (o )  Voyoge d’Aofon autour du monde.  Ce  fameux Navigateur «   ad-  
 «mire  que  fur  les côtes de  la mer du  fu d ,  voifines  de  Panama,  ou  les  
 vivres  ne  font  pas  toujours  dans  la  même  abondance,  les  Efpagnols  
 wqui  les  habitent,  aient  pu  fe  perfuader  que  la  chair  de  la  tortue  foit  
 mmal-faine,  &   qu’ils  la  regardent  comme  une  efpèce  de  poifon.  II  
 «juge  que  c’eft  à  la  figure  firigulière  de  fanimal,  q u f a u t   attribuer  
 « c e   préjugé.  Les  efclaves  Indiens  &  nègres  qui  etoient  à  bord  de  
 jj l ’efcadre,  élevés  dans  la  même  opinion  que  leurs  maîtres,  parurent  
 nfurpris de  la  hardieflè  des  Anglois,  qu ils voyaient  manger  librement  
 j> de  cette  chair  ,  &   s’attendoient  à  leur  en  voir  bientôt  reffentir  les  
 »  mauvais, effets.  mais., recojjjiaiflân.t  enfin,  quais, s emportoient  mieux,  
 « ils  fuivirent  leur  exemple,  &   fe  félicitèrent  d’une  expérience  qui  les.  
 jjaffuroit  à  l’avenir  de  pouvoir  faire,  avec  auflï  peu  de  frais  que  de  
 «peine,  de  meilleurs  repas  que  leurs  maîtres. «   Hifioire  générale  des  
 J^oyages, page  42%, vol  4 1,,édit. i&tZ j   1763» 
 d e s   Q u a d r u p è d e s   o v i p a r e s .  75  
 appellent  moue ou- moucou,  &   qui  tient  lieu  de  liège.  
 On  attache aufli  au bas  du  filet  quatre  ou  cinq grofles  
 pierres,  du poids  de quarante ou  cinquante  livres, pour  
 le  tenir  bien  tendu.  Aux  deux  bouts  qui  font  à  fleur-  
 d’eau,  on met des bouées,  c’eft-à-dire  de gros morceaux  
 de moucou-moucou,  qui  fervent  à  marquer  l’endroit  où  
 eft  le   filet  :  on  place  ordinairement  les  foies  fort  près  
 des  Mots,  parce  que  les  tortues  vont  brouter  des  eG  
 pèces  de fucus,  qui  croiflent.fur  les  rochers,  dont  ces  
 petites Mes  font  bordées. 
 Les  Pêcheurs  vifitent  de  tems  en  tems  les  filets.  
 Lorfque  la foie  commence  à  caler,  fuivant  leur  langage  
 , c’eft-à-dire,  lorfqu’ellè  s’enfonce  d’un  côté  plus  
 que  de  l’autre,  on  fe  hâte  de  la  retirer.  Les  tortues  
 ne  peuvent fe  dégager  aifément  de  cette forte  de  rets,  
 parce  que  les  lames  d’eau,  qui  font  aflez  fortes  près  
 des  Mots,  donnent  aux  deux  bouts  du  filet  un  mouvement  
 continuel  qui  les  étourdit,  ou  les  embarrafle.  
 Si l’on  diffère  de  vifiter les  filets, on trouve  quelquefois  
 les  tortues  noyées;  lorfque  les  requins  &   les  efpadons  
 rencontrent des tortues prlfes dans la foie ,  &  hors d état  
 de fuir &   de  fe  défendre,  ils  les dévorent, &  brifent le  
 filet  (p ) . Le  tems  de foler la tortue  franche,  eft depuis  
 Janvier  jufqu’en  Mai  ( q), 
 ( p ) Note communiquée par M. de la Borde , Médecin du Roi d Cayenne• 
 (q)  Hifioire  gén.  des  Voy.  tome  £4 , pages  380 & fiiiv. édit, in-izl 
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