Wormius a parlé du nombre & de la forme des
dents de la Dragonne; il a dit que ce lézard en a
dix-fept de chaque côté de la mâchoire inférieure;
que celles de devant font petites & aigues, & celles
de derrière , greffes & obtufes. Nous avons remarqué
la même chofe dans la Dragonne du Cabinet
du Roi. Gn a reproché à Pline de s’être trompé
touchant la forme des dents du crocodile, en les dif-
tinguant en dents incifives, en canines, & en molaires
C f ) - Nous avons déjà vu ce qu’entendoit ce
grand Naturalifte par les dents canines du crocodile (g )',
& à l’égard des dents molaires, il pourroit fe faire que
fon erreur eft venue de la méprife de ceux qui lui ont
fourpi des obfervations. Il fe peut en effet que la Dragonne
habite dans les contrées orientales que les anciens
çonnoiffoient ; que fes greffes dents aient été regardées
comme des dents molaires, & que l’animal lui-même
ait été pris pour un vrai crocodile. C’eft ainfi que, dans
des tems très-récens, la confufion que plufieurs voyageurs
ont faite des efpèçes de grands lézards, voifines
de celles du crocodile, a produit plus d’uije erreur,
relativement à la forme &■ aux habitudes naturelles
de ce dernier animal.
( ƒ ) Mémoires pour Jiry ir à l’Hiftoire naturelle des animaux.
Lg) Article du crocodile,
D E S Q u a d r v p è d e s o v i p a r e s . 2 4 7
La grande reffemblance de la Dragonne avec le
crocodile , ferait penfer au premier coup - d’oeil que
leurs moeurs font femblables: mais ces deux lézards
diffèrent par un de ces caractères dont la préfence
ou l’abfence a la plus grande influence fur les habitudes
des animaux. M. de Buffon a montré, dans
l’hiftoire naturelle des oifeaux , combien la forme de
leurs becs détermine l’efpèce de nourriture qu’ils
peuvent prendre ; les force à habiter de préférence
l’endroit où ils trouvent aifément cette fubfiftance,
& produit ou modifie par-là leurs principales habitudes.
La faculté de voler qu’ils ont reçue, leur
donne la plus grande facilité de changer de place ,
& les rend par conféquent moins dépendans de la
forme de leurs pieds : cependant nous voyons certaines
claffes d oifeaux, dont les habitudes font produites par
les pieds palmés , avec lefquels ils peuvent nager
aifément, ou bien par les griffes aigues & fortes qui
leur fervent à attaquer & à fe défendre. Mais il n’en
efl: pas de même des Quadrupèdes, tant vivipares
quovipares; la nature de leurs alimens eft non-feulement
déterminée par la forme de leur gueule, ou
de leurs dents, mais encore par celle de leurs pieds,
qui leur fourniffent des moyens plus ou moins puifïkns
de faifir leur proie; d’aller avec vîteffe d’un endroit à
on autre ; d habiter le milieu des eaux, les rivages,
les plaines ou les forêts, &c. Une gueule plus ou