212 H i s t o i r e N a t u r e l l e
firmée par l’obfervation des Millionnaires mathématiciens
que Louis X IV envoya dans l’Orient, & qui
ayant gardé un très-jeune crocodile en vie pendant
deux mois, remarquèrent que fes dimenfions n’avoient
pas augmenté, pendant ce tems, dune maniéré fen-
fible ( e ) . Cette même lenteur a fait naître, fans,
doute, l’erreur d’Ariftote & de Pline,. qui penfoient
que le crocodile croilîbit jufqu’à fa mort ; &. elle
prouve combien la vie de cet animal peut etre
longue. Le crocodile habitant en effet au milieu dès,
eaux, prefque autant que les tortues marines, n étant
pas revêtu d’une croûte plus dure quune carapace,.
& croîfîant pendant bien plus de tems que la tortue franche
, qui paroît être entièrement developpee apres,
vingt ans, ne doit-il pas vivre plus long-tems. que cette
grande tortue, qui cependant vit plus d un fiecle ?
Le crocodile fréquente de préférence les rives des
grands fleuves, dont les eaux furmontent fouvent leurs,
bords, & qui-, couvertes d’une-va-fe limonneufe ,. offrent
en plus grande abondance les teflacees ,; les vers, les>
grenouilles &- les lézards dont il fe nourrit ( f ) . Il •
• (e) Mémoires pour Jcrvir à CHifl. naturelle dés animaux, totne 3.
(ƒ) « L e s crocodiles de l’Amérique fepfentrionalé fréquentent non-
♦ Æutement les rivières faîées proche de la mer, mais auffi le courant
j,des eaux, douces plus avant dans les terres, & les lacs d eaux falees &
UES \JUAJ) RU PE H È S O V i P A R E S .
fe plaît fur-tout dans l’Amérique méridionale (g) , au
milieu des lacs marécageux , &. des favanes noyées^
Catefby, dans fon Hiftoire naturelle de la Caroline (h)^
nous repréfente les bords- fangeux , baignés par les
eaux falées, comme couverts de forêts épaiffes d’arbres
de banianes, parmi lefqu'els des crocodiles vont
fe cacher. Les plus petits s’enfoncent dans des buîffons-
épais, où les plus grands ne peuvent pénétrer , & où
ils font à couvert de leurs dents meurtrières. Ces bois',
aquatiques font remplis de poilfons deflrucicurs , &
d’autres animaux qui fe dévorent les uns' IeS autres.
On y rencontre auffi de grandes tortues; mais elles
font le plus fouvent la proie de ces poiffons carna-
ciers, qui, à leur tour, fervent d’aliment aux crocodiles
, plus puiffans qu’eux tous. Ces forêts noyées
préfentent les débris de cette forte de carnage , <5c
l’on y voit flotter des relies de carcaffes d’animaux
a demi - dévorés» C’efl dans ces terrains fangeux, que-
couvert de boue, &. reffemblant à un arbre renverfé,;
il attend immobile, & avec la patience que doit
deanx douces. Ils fe tiennent cachés fur leurs bords, parmi les ro-tï-
féaux,, pour furprendre le bétail & les-autres animaux. » Catejbsfg,
Hifîoire naturelle de la- Caroline r vol z , page-ffg.-
( g ) Ohfewations. communiquées par M. de la- Borde,