corps eft d’un brun foncé, tacheté d’un brun plus
obfcur, avec des teintes d’un vert jaunâtre , particulièrement
fur le devant de la tête : les taches des
côtés font rondes, <St font paroître la peau oeillée. L e
ventre eft d’un blanc fale, nuancé de jaune, & légèrement
tacheté. Les pieds de devant & de derrière,
ont communément cinq doigts, avec une tubercule fous
chaque phalange.
Cette efpèce eft moins nombreufe que les autres
efpèces de grenouilles. La Mugiflante vit auprès des
fontaines, qui fe trouvent très-fréquemment fur les
collines de la Virginie : ces fources forment de petits
étangs, dont chacun eft ordinairement habité par deux
grenouilles Mugilfantes, Elles fe tiennent à l’entrée du
trou par lequel coule la fource ; & , lorfqu’elles font
furprifes, elles s’élancent, & fe cachent au fond de
l’eau. Mais elles n’ont pas befoio de beaucoup de précautions
; le peuple de la Virginie imagine qu’elles
purifient les eaux & entretiennent la propreté des
fontaines 5 il les épargne d’après cette opinion, qui
pourroit être fondée fur la deftruclion qu’elles font des
jnfeéles, des vers, &c. mais qui fe change en fuperfti-
tion, comme tant d’autres opinions du peuple ; car ,
non-feulement il ne les tue jamais , mais même il
croiroit avoir quelque malheur à redouter s’il les in-
quiétoit. Cependant la crainte cède fouyent à l’intérêt ;
comme la Mugilfante eft très-vorace &. très-friande
d e s Q u a d r u p è d e s o v i p a r e s . 5 4 3
des jeunes oifons, ou des petits canards, qu’elle avale
d’autant plus facilement quelle eft très-grande & que
fa gueule eft très-fendue, ceux qui élèvent ces oifeau*
aquatiques, la font quelquefois périr (b).
Sa grandeur & fa conformation modifient fon coaf-
fement, & l’augmentent, de manière que lorfqu’il eft
réfléchi par les cavités voifines des lieux quelle fréquente
, il a quelque relfemblance avec le mugilfe-
ment d’un taureau qui ferait très-éloigné, & , dit Ca-
teiby, à un quart de mille ( c) . Son cri, fuivant M. Smith,
eft rude.,, éclatant & brufque ; il femble que l’animal
forme quelquefois des fons articulés. Un Voyageur eft
bien étonné, continue M. Smith, quand il entend le
mugilfement retentilfant de la grenouille dont nous
parlons, & que cependant il né peut découvrir d’où part
ce bruit extraordinaire ; car les Mugilfantes ont tout
le corps caché dans l’eau, & ne tiennent leur gueule
élevée au-delîùs de la furface que pour faire entendre
le coaflement très-fort qui leur a fait donner le nom
de grenouille-taureau (c).
L’ efpèçe de la grenouille Mugiffante que M. Lau-
renti appelle là cinq doigts ( Rana pentadaclyla ) , renferme,
fuivant ce Naturalifte, une variété aifée a
( b ) Catejby, à tendroit déjà cité.
( c) Idem, ibidem-
(d) M. Smith, Voyage aux Etats-ulUs de l’Amérique.