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 extérieure,  tant  l’organifation  interne  f  &   même  un  
 concours  de  circonftances  locales , plus  ou moins constantes  
 ,  agifl'ent  quelquefois  avec  force  fur  les  habitudes. 
 Le  Porte-crête  habite  de  préférence  fur  le  bord  
 des  grands  fleuves :  mais  ce  n’efi:  point  en  embufcade  
 qu’on  l’y  trouve :  il  ne  fait  point  la  guerre  aux  animaux  
 plus  foibles  que  lui  :  il  fe  nourrit  tout  au  plus'  
 de  quelques petits  vers:  il  pafie  tranquillement fa  vie  
 •  fur  les  rives  peu  fréquentées ;  il  dépofe  fes  oeufs  fur  
 les  bancs  de  fable  &   les  petites Mes,  comme s’il  cher-  
 choit à  les y mettre  en fûreté :  il  grimpe  fur  les  arbres  
 qui  s’élèvent  au  bord  de  l’eau, &   y  cherche  en  paix  
 les fruits  &  les  graines  dont  il  fait  fa  principale  nourriture. 
  Il n’a  donc ufé  prefque  jamais  de  toute fa  force,  
 qui  peut-être  même  n’eft  pas  très - confidérable  :  auffi  
 s’alarme-t-il  aifément.  Il  fuit  au  moindre  bruit,  fans  
 chercher  à  fe  défendre,  comme  fi  l’habitude  de  la  
 défenfe  tenoit  le  plus  louvent a  celle  de  1 attaque.  Il  
 fe  jette  dans  l’eau  lorfqu il  redoute  quelqu ennemi,  II*  
 nage  avec  d/autant  plus  de  Viteffe  que  la  membrane  
 élevée de  fa  queue,  lui  fert  à  frapper  l’eau  avec  facilité  
 j &   il fe cache  à  la  hâte  fous  les  roches.  - 
 Les  fruits  dont  ce  lézard  fe  nourrit,  lui  donnent  
 un  naturel doux &  paifible, &  communiquent a fa  chair  
 une faveur  fupérieure  à  celle  qu’elle  auroit,  s il  choififloit  
 un  aliment  moins  pur.  Malheureufement  pour  
 cet  innocent  lézard,  le bon goût  de  fa  chair, qu’on  dit  
 être  préférable  à  celle  de  l’Iguane,  eft  a fiez  connu  
 des  habitans  des  contrées  qu’il  habite,  pour  qu’on  le  
 pourfuive  jufqu’au  milieu  des  eaux,  &   fous  les  roches  
 avancées  qui  lui  fervent  de  dernier  afile.  11  s’y  laifie  
 même  prendre à  la  main,  fans  jeter  aucun  cri  ,  fans  
 faire  le  moindre  mouvement  pour  fe  défendre. Cette  
 efpèce  d’abandon  de  fa  vie  ne  provient  peut-être que  
 du naturel  tranquille  de  cet  animal  frugivore, qui n’a  
 jamais  eflayé  fes  armes,  ni  fenti  tout  ce  qu’il  peut  
 pour  fa  confervation.  On  a  cependant  donné  à fa  douceur  
 le  nom  de  ftupidité  ;  mais  combien  de  fois  n’a-  
 t-on  pas  défigné,  par  un  nom  de  mépris,  les  qualités  
 paifibles  &  peu  brillantes  !