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 inconvéniens  qui  y  font  quelquefois  attachés.  Les  
 Pêcheurs  choifilfent  aulfi  cette  faifon pour prendre  les  
 grandes  tortues  femelles  qui  leur  échappent  fur  les  
 rivages  plus  difficilement  qu’à la mer, &  dont  la  chair  
 eft  plus  eftimée  que  celle  des  mâles,  fur-tout  dans  le  
 tems  de  la  ponte  (d). 
 Malgré  les  ténèbres  dont  les  tortues  franches  cherchent  
 , pour  ainfi  dire,  à  s’envelopper  lorfqu’elles  vont  
 dépofer  leurs  oeufs,  elles  ne  peuvent  fe  dérober  à  la  
 pourfuite  de  leurs  ennemis.  A  l’entrée  de  la  nuit,  
 fur-tout  lorfqu’il  fait  clair  de  lune ,  les  Pêcheurs  fe  
 tenant  en  filence  fur  la  rive,  attendent  le  moment  
 où  les  tortues  fortent  de  l’eau  ou  reviennent  à la mer  
 après  avoir pondu ;  ils les affomment  à  coups  de  maf-  
 fue  (e) ,  ou  ils  les  retournent  rapidement,  fans  leur  
 donner  le  tems  de  fe  défendre  ,  &   de  les  aveugler  
 par  le  fable  qu’elles font quelquefois rejaillir avec  leurs  
 nageoires.  Lorfqu’elles font très-grandes, il faut  que plu-  
 fieurs hommes fe réuniffent  quelquefois même  fe 
 fervent de pieux comme d’autant de leviers pour les ren- 
 ( d)  Sloane ,  à  l'endroit déjà  cité, 
 ( e )  Mépioires manujcrits  fiir  Us  tortues ,  rédigés par M.  de  Fou-  
 ge route, 
 ( ƒ )   Defeription  des  Ijles  du  Cap- Vert.  Hiß.  générale  des  voyages,  
 Livre  V, 
 verfer fur le  dos. La  tortue  franche  a  la  carapace trop  
 plate pour pouvoir fe  remettre  fur  fes pattes,  lorfqu’elle  
 a été ainfi chavirée, fuivant  l’expreffion des Pêcheurs. On  
 a  voulu  rendre  touchant  le  récit  de  cette  manière  de  
 prendre  les tortues; &   l’on  a  dit que  lorfqu’elles  étoient  
 retournées,  hors  d’état  de  fe  défendre,  &   quelles  ne  
 pouvoient  plus  que  s’épuifer  en  vains  efforts,  elles  
 ietoient  des  cris  plaintifs  &   verfoient  un  torrent  de  
 larmes  ( g ) .  Plufieurs  tortues,  tant  marines  que  ter-  
 reftres  (h ) ,  font  entendre  fouvent  un  fifflement  plus  
 ou  moins  fort ,  &   même  un  gémiffement  très-diftinél,  
 lorfqu’elles  éprouvent  avec  vivacité  ou  l’amour  ou  la  
 crainte.  Il  peut  donc  fe  faire  que  la  tortue  franche  
 jette  des  cris  lorfqu’elle  s’efforce  en vain  de  reprendre  
 fa  pofition  naturelle  &   que  la  frayeur  commence  à  
 la  faifir;  mais  on  a  exagéré  fans  doute  les  lignes  de  
 fa  douleur. 
 Pour  peu  que  les  matelots  foient  en  nombre  ,  ils  
 peuvent,  dans  moins  de  trois  heures,  retourner  quarante  
 ou  cinquante  tortues  qui  renferment  une grande  
 quantité  d’oeufs. 
 Ils  paffent  le  jour  à  mettre  en  pièces  celles qu’ils  
 ont  priles  pendant  la  nuit;  ils  en  falent  la  chair,  & 
 (g )  R ay, Synopfis  animalium, page  2.55. 
 (h)  Voyez  l’article  de  la Caouane.