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 comme  les  autres  Quadrupèdes  ovipares ,  fa  couverture  
 écailleufe  n’eft  point de  nature  à être  altérée par  
 le  froid  &   la  difette ,  ainli  que la, peau  du  plus  grand  
 nombre  de  ces  animaux  ;  &   il  ne  fe  dépouille  pas  
 comme  ces  derniers. 
 Dans  tous  les  pays  où  l’homme  n’eft  pas  en  alfez  
 grand  nombre  pour  le  contraindre  à  vivre.difperfé,  il  
 va  par  troupes  nombreufes 5  M.  Adanfon a  vu , fur  la  
 grande rivière  du  Sénégal, des  crocodiles réunis au nombre  
 de  plus  de  deux  cens  ,  nageant  enfemble  la tête  
 hors  de  l’e au ,  &   relfemblant  à  un  grand  nombre  de  
 troncs  d’arbres, à une  forêt que  les flots entraîneroient.  
 Mais  cet  attroupement  des  crocodiles  n’eft  point  le  
 réfultat d’un inftintft heureux :  ils ne fe  reflemblent  pas  
 comme  les  caftors  pour s’occuper  en  commun  de  travaux  
 combinés  ;  leurs  talens  ne  font  pas  augmentés  
 par  l’imitation  ,  ni  leurs  forces  par le  concert j  ils  ne  
 le  recherchent  pas  comme  les  phoques  &   les  lamantins  
 par une forte d’affeétion  mutuelle ,  mais  ils  fe réunirent  
 ,  parce  que  des  appétits  femblables les  attirent  
 dans les mêmes  endroits:  cette habitude d’être enfemble  
 eft  cependant une nouvelle preuve  du  peu  de  cruauté  
 que  l’on  doit  attribuer  aux crocodiles ;  &   ce  qui confirme  
 qu’ils  ne  font  pas  féroces  ,  c’eft  la  flexibilité  de  
 leur  naturel.  On  eft  parvenu  à  les  apprivoifer.  Dans  
 1 ifle  de Bouton, aux Moluques, on  engraifle  quelques- 
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 Tins de  ces  animaux  devenus  p a r-là   en quelque  forte  
 domeftiques ;  dans  d’autres  pays,  on  les  nourrit par of-  
 tentation^Sur  la  côte  des  efclaves  en  Afrique,  le Roi  
 de  Saba  a  par  magnificence  deux  étangs  remplis  de  
 crocodiles.  Dans  la  rivière  de Rio-San-Domingo également  
 près  des  côtes  occidentales  de  l’Afrique,  où  les  
 habitans prennent foin de  les nourrir,  des enfans ofent,  
 dit-on,  jouer  avec  ces  monftrüeux  animaux  (u).  Les  
 anciens  connoifl'oient  cette  facilité  avec  laquelle  lé  
 crocodile  fe  lailfe  apprivoifer : Ariftote  a  dit  que, pouï  
 y  parvenir  ,  il  fuffifoit  de  lui  donner  une  nourriture  
 abondante,  dont  le  défaut  feul  peut  le  rendre  très-  
 dangereux  (v ). 
 ( a )   et On  a  remarqué, avec  étonnement, dans  la rivière àe Rio-San-  
 DomingOj  que  les  caymans,  ou  les  crocodiles,  qui  font  ordinaire-te  
 ment  des  animaux  li  terribles,  ne  nuifent  ici  à  perfonne. Les enfans «   
 en  font  leur  jouet,  jufqu’à  leur monter fur le  dos, & les  battre même «s  
 fans  en  recevoir  aucune  marque  de  reffentiment.  Cette  douceur et  
 leur  vient  peut-être  du  foin  que  les  hahitans  prennent  de  les«  
 nourrir  &  de  les  bien  traiter.  Dans  toutes  les  autres  parties  de  l'A -«   
 frique,  ils  fe  jettent  indifféremment  fur  les  hommes  &   fur  les  ani- et  
 raami  Cependant  il  fe  trouve  des  Ncgres  aflez  hardis  pour  les  attai-«  
 quer à  coup  de  poignard.  Un  Laptôt  du  Fort Saint-Louis,  s'en  feifoit«  
 tous  les  jours  un  amufement,  qui  lui  avoit  long-tems  réuffi  ;  mais  i l«   
 reçut  enfin  tant  de  bletfures  dans  ce  combat,  que  fans  Je  if cours  de et  
 les  compagnons,  il  auroit  perdu  la  vie  entre  les  dents  du  monftre.»   
 [Voyage  du fieur B  rue aux Ifles  de  Bijjfao ,  &c. Hiß.  gén.  des  Voyages.  
 (v) M.  de  la  Borde  a  vu,  à  Cayenne,  des  caymans  conièrvés  aves