les oeufs. Le crocodile devroit donc être regardé
comme très-tendrement amoureux, fi le mâle couvoit
les oeufs, ainfi que la femelle. Mais comment attribuer
cette vive , intime & confiante tendrefle à un animal
q u i, par la froideur de fon fang, ne peut
éprouver prefque jamais, ni pallions impétueufes, ni
fentiment profond ? La chaleur feule de l’atmofphère,
ou celle d’une forte de fermentation, fait donc éclore
les oeufs des crocodiles; les petits ne connoiiîent donc
point de parens en nailTant (c) : mais la Nature leur
a donné aflëz de force , dès les premiers momens de
leur v ie , pour fe palier de foins étrangers. Dès qu’ils
font éclos, ils courent d’eux-mêmes fe jeter dans l’eau,
où ils trouvent plus de sûreté & de nourriture (d) . Tant
qu’ils font encore jeunes , ils font cependant dévorés
non-feulement par les poilîbns voraces, mais encore
quelquefois par les vieux crocodiles, qui, tourmentés par
la faim, font alors par befoin, ce que d’autres animaux
fanguinaires paroiffent faire uniquement par cruauté.
On n’a point recueilli allez d’obfervations fur les
( é) Cependant, fuivant M. de la Borde, à Surimam, la femelle du
crocodile fe tient toujours à une certaine diftance de fes oeufs, qu elle
garde, pour ainfi dire, & qu elle défend avec une forte de fureur,
lorfqu’on veut y toucher.
D E S Q u A D RU PÈ D E S O V I P A R E S . 2 I I
crocodiles, pour fa voir précifément quelle eft la durée
de leur vie ; mais on peut conclure qu’elle eft,
très-longue, d’après l’obfervation fuiyante, que M. le,
Vicomte de Fontange, Commandant pour le Roi dans.
l’Ille Saint - Domingue , a eu la bonté de me communiquer.
M. de Fontange a pris à Saint-Domingue
de jeunes crocodiles qu’il a vus fortir de l’oeuf il les
a nourris , & a eflayé de les amener vivans en France ;•
le froid qu’ils ont éprouvé dans la traverfée, les a
fait périr. Ces animaux avoient déjà vingt-fix mois ,
& ils n’a voient encore qu’à-peu-près vingt pouces de
longueur. On devroit donc compter vingt-fix mois:
d’âge pour chaque vingt pouces que l’on trouveroit
dans la longueur des grands crocodiles, fi leur accraiffe-
ment fe faifoit toujours fuivant la même proportion ;
mais, dans prefque tous les animaux, le développement
eft plus confidérable dans les premiers teins
de leur vie. L ’on peut donc croire qu’il faudrait
fuppofer bien plus de vingt-fix mois pour chaque
vingt pouces de la longueur d’un crocodile. Ne
comptons cependant que ving-fix mois,. parce qu’on
pourroit dire que, lorfque les animaux ne jouiffent
pas d’une liberté entière, leur accroiftement eft retardé
, & nous trouverons qu’un crocodile de vingt-
cinq pieds , n’a pu atteindre à tout fon développement
qu’au bout de trente-deux ans & demi. Cette
lenteur dans le développement du crocodile, eft con-
D d ij