Caméléon eft un lézard ; & moins de perfonnes encore
connoiffent les traits qu’il préfente & les qualités qui le
diftingueilt. On a dit que le Caméléon changeoit fou-
vent de forme ; qu’il n’avoit point de couleur en propre ;
qu’il prenoit celle de tous les objets dont il appro-
choit ; qu’il en étoit par-là une forte de miroir fidèle ;
qu’il ne le nourrifloit que d’àir. Les Anciens fe font
plu à le répéter : ils ont cru voir , dans cet être qui
n’étoit pas le Caméléon , mais un animal fantaftique
produit & embelli par l’erreur, une image allez ref-
femblante de plufieurs de ceux qui fréquentent les
cours : ils s’en font fprvi comme d’un objet de com-
paraifori, pour peindre ces hommes bas &. rampans, qui
n’ayant jamais d’avis à eux, fachant fe plier à toutes les
formes, embraffer toutes les opinions, ne fe repailïent
que de fumée &. de vains projets. Les Poètes fur-tout fe
Stba , 1. Tab. 8z , fig. 2 , z , 3', 4 , 5 , tab. 83 ,fig . 4 & 5.
Chafnæleo mexicanus, 59. Chamæleo Parifienlîum , 60. Chamæleo
zeylanicus , 6 1 . Chamæleo africanus , 6 2 . Chamæleo candidus, 6 } .
Chamæleo Bonæ-fpei, 64. Laurenti Jpecimen medicum.
Gron. mus. z , page ] 6 , N.' 30. Chamæleon.
Olear. mus. 9 ,t . 8 , f . 3. Chamæleon.
Bellàn. itin. livre I I , Chapitre l x . Chamæleon.
Valent, mus. Livre I I I , Chapitre x x x i . Chamæleon.
Kircher. mus. z j £ , t. Z33, f . 44. Chamæleon.
Jonfi. Quadr., t. 79. Chamæleon.
Aid. Quadr. 6jo. Chamæleon.
Qu a d r u p è d e s o v i p a r e s . 3 3 9
font emparés de toutes les images fournies par des rapports
qui, n’ayant rien de réel, pouvoient être aifément
étendus : ils ontparé des charmes d’une imagination vive,
les diverfes comparaifons tirées d’un animal qu’ils ont
regardé, comme faifant par crainte ce que l’on dit,
que tant de Courtifans font par goût. Ces images
agréables ont été copiées, multipliées, animées par
les beux génies des fiècles les plus éclairés. Aucun
animal ne réunit, fans douté, les propriétés imaginaires
auxquelles nous devons tant d idees riantes. Mais une
fiétion fpirituelle ne peut qu ajouter au charme des
ouvrages où font répandues ces peintures gracieufes.
Le Caméléon des Poètes n’a point exifté pour la
Nature ; mais il pourra exifter à jamais pour le génie
,& pour l’imagination.
Lorfque cependant nous aurons écarté les qualités
fabuleufes attribuées au Caméléon , & lorfque nous
l’aurons peint tel qu’il eft, on devra le regarder encore
comme un des animaux les plus intereflans aux yeux
des Naturaliftes, par la fingulière conformation de fes
diverfes parties, par les habitudes remarquables qui
en dépendent, & même par des propriétés, qui ne
font pas très-différentes de celles qu on lui a faulfement
attribuées (é ).
7 (b J On peut voir dans Pline, Livre X X V ffl, Chapitre X XIX
les vertus chimériques que Tes Anciens attribuoient au Caméléon. Oiv
* V v ij,