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le fouvenir des grandes images qu’il a préfentées au
génie poétique : une forte de frayeur faifit les coeurs
timides -, & la curiofité s’empare de tous les efprits.
Les Anciens, les Modernes ont tous parlé du Dragon,
Çonfacré par la religion des premiers Peuples, devenu
l’objet de leur mythologie, miniftre des volontés des
Dieux, gardien de leurs, trgfors, fervant leur amour <Sc
leur haine, fournis au pouvoir des enchanteurs, vaincu
par les demi-Dieux des tems antiques, entrant même
dans les allégories facrées du plus faint des recueils ,
il a été chanté par les premiers Poètes, & repréfenté
avec toutes }es couleurs qui pouyoientr pn embellir
l ’image : principal ornement des fables pieufes, imaginées
dans des tems plus récens, dompté par les
héros, & même par les jeunes héroïnes, qui. corn-?
battoient pour une loi divine ; adopté par une fécondé
mythologie, qui plaça les fées fur le trône des anciennes
enchanterefles; devenu l’emblème des aélions
éclatantes des vaillans Chevaliers, il a vivifié la Poëfie
moderne, ainfi qu’il avoit animé l’ancienne : proclamé
par la voix févère de l’Hiftoire, partout décrit, partout
célébré, par-tout redouté, montré fous toutes les
formes, toujours revêtu de la plus grande puiflance,
immolant fçs viélimes par fon regard, fe tranfportant
au milieu des nuées, avec la rapidité de l’éclair, frappant
comme la foudre, diflipant l’obfcurité des nuits
par l’éclat de fes yeux étincelans, réunifiant l’agilité
de l’aigle,
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fie l’aigle, la force du lion, la grandeur du ferpent (b ),
préfentant même quelquefois une figure humaine, doué
d’une intelligence prefque divine, & adoré de nos jours
dans de grands empires de l’orient, le Dragon a été
tout, & s’eft trouvé par-tout, hors dans la Nature. Il
vivra cependant toujours, cet être fabuleux, dans les
heureux produits d’une imagination féconde. Il embellira
long-tems les images hardies d’une Poëfie en-
chanterefle : le récit de fa puiflance merveilleufe charmera
les loifirs de ceux qui ont befoin d’être quelquefois
tranfportés au milieu des chimères, <Sc qui défirent
de voir la vérité parée dés ornemens d’un fiction
agréable : mais à la place de cet être fantaftique, que
trouvons-nous dans la réalité ? Un animai, aufli petit
que foible, un lézard innocent & tranquille, un des
moins armés de tous les Quadrupèdes ovipares, <$t qui,
par une conformation particulière, a la facilité de fe
tranfporter avec agilité, & de voltiger de branche en
branche dans les forêts qu’il habite. Les efpèces d’ailes
dont il a été pourvu, fon corps de lézard, & tous fes
rapports avec les ferpens, ont fait trouver quelque
forte de reflemblance éloignée entre ce petit animal
& le monftre imaginaire dont nous avons parlé, &
lui ont fait donner le nom de Dragon par les Natu-
raliftes.
( ,i) Il y a des ferpens qui ont plus de quarante pieds de long.
Ovipares, Tome 1. Ll l