g o H t s t o t r e N a t u r e l z e
Des animaux d’ordres très-différens des Quadrupèdes
ovipares éprouvent auffi chaque année, & même à
plufieurs époques, une efpèce de dépouillement : ils
perdent quelques-unes de leurs parties extérieures ; on
peut particulièrement le remarquer dans les ferpens,
nomie animale des oijèaux. « J e pris, lé 4 Mai 1 7 85 , dit M. de Tour-
» chy, un lézard vert à taches jaunes & bleuâtres, & de dix pouces
»j de long: je le mis vivant dans une bouteille couverte d’une toile
» à jour, & pofée fur une table de- marbre dans une falle fraîche au
jj rez-de-chauffée; ce lézard vécut deux mois dans cette efpèce de
jj prifon, fans prendre aucune nourriture. Les premiers jpurs, il fit
jj des efforts pour en fortir, mais il fut afiez tranquille le relie du
jj tems. Vers le quarante - cinquième jour, je m'apperçus qu’il fe dif-
j j pofoit à changer de peau, & fucceffivement je vis cette peau fe
j j fécher, fe racornir, fe détacher par parties fanées & décolorées,
u pendant que la nouvelle peau qui fe découvrôit avoit une belle
jj couleur verte avec des taches bien bettes. Il mourut le foixante-
u troifième jo u r , fans avoir achevé de muer, la vieille peau étant en-
u core attachée fur la tête, les pattes & la queue. Pendant le tems
m de la mue, & celui qui le précéda, il ne fut jamais dans un état
jj de torpeur; il marchoit dans fa bouteille, lorfquon la prenoit dans
jj les mains, & même fans cela & de lui-même ; je lui vis quelquefois
»j les yeux fermés; mais il les rouvroit bientôt, & avec vivacité. Il
u étoit 'à demi-arrondi dans cette bouteille, dont le cul un peu relevé
jj devoit ajouter à la gêne • de fa position. XI avoir certainement mue
» avant d’être pris, comme font tous les lézards & les ferpens, lorfque
u la chaleur du printems les fait fortir de leurs retraites. La fraîcheur
u de fes couleurs & la délicatefiè de fa peau me I’avoient prouvé lorf-
j> que je le pris, jj
DES Q u a d r u p è d e s o v i p a r e s . . 3 r
dans certains animaux à poils, & dans les oifeaux ;
les infectes & les végétaux ne font-ils pas fujets
auffi à une forte de mue ? Dans quelques êtres qu’on
remarque ces grands changemens, on doit les rapporter
à la même caufe générale. Il faut toujours
les attribuer au défaut d’équilibre entre les mouvemens
intérieurs & les caufes externes : lorfque ces dernières
font fupérieures, elles altèrent & dépouillent; &. lorfque
le principe vital l’emporte , il répare & renouvelle.
Mais cet équilibre peut être rompu de mille & mille
manières, & les effets qui en réfultent font diverfifiés
fuivant la nature des êtres organifés qui les éprouvent.
Il en eft donc de cette propriété de fe dépouiller,
ainfi que de toutes les autres propriétés & de toutes
les formes que la Nature diftribue aux différentes ef~
pèces, & combine de toutes les manières, comme fi
elle vouloit en tout épuifer toutes les modifications.
C’eft fouvent parce que nos connoilfances font bornées y
que l’imagination la plus bizarre nous paroît allier des
qualités & des formes qui ne doivent pas fe trouvée
enfemble. En étudiant avec foin la Nature, non-feulement
dans fes grandes produétions, mais encore dans
cette foule immenfe de petits êtres, où il femble que
la diverfité des figures extérieures, ou internes, & par
conféquent celle des habitudes ont pu être plus facilement
imprimées à des mafles moins confidérables, l’on
trouveroit dos êtres naturels, dont les produits de l’i—