moins fendue ; quelques dents de plus ou de moins ;
des ongles aigus ou obtus 3 des doigts réunis ou divifés j
en voilà plus qu’il n’en faut pour faire varier leurs
moeurs fouvent du tout au tout. On en peut voir
des exemples dans les Quadrupèdes vivipares, parmi
Jefquels la plupart des animaux qui ont des habitudes
communes, qui habitent des lieux femblables ,
ou qui fe nourrirent des mêmes fubftanees, ont leurs
dents, leur gueule ou leurs pieds conformés à-peu-
près de la même manière , quelque differens qu ils
foient d’ailleurs par la forme générale de leurs corps,
par leur force & par leur grandeur. La Dragonne &
le crocodile en font de nouvelles preuves : la Dragonne
reffemble beaucoup au crocodile ; mais, elle en
diffère par fes doigts, qui ne font pas palmes : dès-
lors elle doit avoir des habitudes différentes : elle
doit nager avec plus de peine; marcher avec plus de
vîteffe; retenir les objets avec plus de facilite ; grimper
fur les arbres ; fe nourrir quelquefois des animaux
des bois; & c’eft en effet ce qui eft conforme aux
obfervations que nous avons recueillies. M. de la
Borde, qui a nommé cet animal Lenard- çayman,
parce qu’il le regarde, avec raifon, comme failant la
nuance entre les crocodiles (St les petits lézards, dit
qu’il fréquente les favanes noyées, &. les terrains marécageux;
mais qu’il fe tient à terre, <St gu foleil,
plus fouvent que dans l’eau, Il eft affez difficile a
prendra j
d e s Q u a d r u p è d e s o v i p a r e s . 2 4 9
prendre, parce qu’il fe renferme dans des trous; il
mord cruellement 5 il darde prefque toujours fa langue
comme les ferpens. M. de la Borde a gardé chez lu i,
pendant quelque tems, une Dragonne en vie; elle
fe tenoit des heures entières dans l’eau ; elle s y
cachoit lorfqu’elle avoit peur ; mais elle en fortoit
fouvent'pour aller fe chauffer aux rayons du foleil (h).
La grande différence entre les moeurs de la Dragonne
& celles du crocodile, n’eft^cependant pas
produite par un fens de plus ou de moins, mais
feulement par une membrane de moins, &. quelques
ongles de plus. On remarque des effets femblables
dans prefque tous les autres animaux, & il en feroit
de même dans l’homme, & des différences très-peu
fenfibles dans la conformation extérieure, produiraient
une grande diverfité dans fes habitudes, fi l’intelligence
humaine , accrûe par la fociété, n’avoit pas
inventé les arts pour compenfer les défauts de nature.
Les animaux, qui attaquent le crocodile,, doivent
auffi donner la chaffe à la Dragonne , qui a bien
moins de force pour leur réfifter , & qui même eft
fouvent dévorée par les grands caymans.
Sa manière de vivre peut donner à fa chair un
goût différent de celui de la chair du crocodile: il
( h ) Note communiquée par M. de la Borde»,
Ovipares, Tome J, U