
son aoûl (campement), et un crieur public invite, au
nom du Prophète, les bons musulmans à venir se ranger
sous ses ordres pour aller donner la chasse aux infidèles
persans. Le chef n’impose sa volonté à personne,
car les Turkomuns jouissent de la plus grande
liberté; il n’y a donc que ceux qui ont confiance en lui
qui viennent déposer léurs lances à côté de la sienne,
et cet acte signifie qu’ils sont décidés à suivre sa
fortune. Quand le chef croit avoir réuni un nombre
d hommes suffisant pour operer son coup de main, il
annonce le départ pour un mois plus tard, car ce délai
est toujours nécessaire pour que chacun puisse préparer
sa monture à supporter le rude exercice auquel elle
sera bientôt soumise. Pendant tout le mois, la nourriture
d’un cheval se compose, pour vingt-quatre heures,
de trois kilog. de foin ou de trèfle sec et d’un kilog.
et demi d’orge, ce qui est un peu moins que moitié
de la ration ordinaire '. Les trente jours écoulés, les
Turkomans se mettent en campagne, ayant chacun
deux chevaux habitués des leur jeunesse à suivre
leur maître en toute liberté : celui qui a été mis au
* Ce régime rafraîchissant, comme rap p e llen t les Turkomans,
maigrit considérablement le pauvre animal, c 'e st justement là le
but que s’est proposé son maître, dans la persuasion q u ’il n’en
sera ensuite que plus vif à la c o u rs e , e t mieux préparé à
recevoir la ration fortifiante qu’il lui donnera plus tard. On reconnaît
qu’il est temps de donner cette ration à l’animal lorsqu’après
l’avoir fait courir à toutes jambes pendant une d emi-heure, le
cheval ne boit q u ’une faible partie de l’eau qu’on lui présente ;
s’il s’en rassasie, c’est un signe qu’il doit encore observer quelque
temps le jeûne qui lui est imposé, mais en tout é ta t de choses,
ce régime ne dure jamais plus d’un mois.
régime est ordinairement le cheval de bataille, le second
est un yabou (cheval de peu de valeur), que le
Turkoman monte en sortant de son aoûl et qui le porte
jusqu’au territoire persan. Pendant ce temps l’autre
le suit à vide et sans jamais s’éloigner. Le premier
jour de marche n’excède point trois farsangs, le second
quatre, le troisième cinq et le quatrième six.
Quand ils en sont à ce point, les Turkomans font
cesser le régime auquel leurs chevaux de bataille
sont soumis, et le remplacent par une nourriture qui
se compose de deux kilog.de farine d’orge, d’un kilog.
de farine de maïs et d’un kilog. de graisse de queue
de mouton, crue et hachée très-menu, le tout pétri et
parfaitement mêlé ensemble, ce qui forme la ration
d’une journée, sans paille ni foin. Les chevaux sont
très-avides de ces boulettes, qui développent en eux
une vigueur extraordinaire. Après avoir subi pendant
quatre jours ce nouveau régime,. ils sont capables
de supporter les marches forcées les plus longues
: c’est alors que leurs maîtres les montent pour
aller au pillage, mais cela seulement après s’être arrêtés
quelque temps dansun lieu couvert et fortifié parla
nature qui puisse leur offrir une retraite assurée contre
toutes les éventualités. Pendant qu’ils restent là au
repos, trois ou quatre d’entre eux se détachent du
gros de la bande et vont à la découverte pour s’enquérir
s’il y a quelque caravane de passage. Quelquefois
ils vont eux-mêmes se joindre à elles, comme
des gens inoffensifs qui retournent chez eux; mais ils
ont bien soin d’observer la nature des objets qu’elle
transporte, le nombre d’hommes armés qui la compo