
guird et destinées au même usage. La stérilité se borne
à la plaine, car à partir du pied des montagnes dans
lesquelles son territoire est encadré, les villages sont
nombreux, riches et fertiles, et leurs produits suffisent
pour alimenter la population de Meched. Avant d entrer
dans cette ville, en venant de Nichapour parDèh-
Roud, on laisse à droite deux monticules appelés
Kouh-i-téllah-Nogrèh, (montagne d’or et d’argent),
ainsi nommés parce que ces métaux s’y trouvent assez
abondamment. Ceux qui ont exploité ces mines jusqu’à
ce jour ont dû y renoncer bien vite, parce que les bénéfices
ne couvraient pas les frais qu’ils étaient obligés
de faire. Voilà du reste quelle en est la cause aux yeux
des Persans : ses filons étaient d’un grand rapport dans
les siècles passés, et le minerai qu’on en extrait aujourd’hui
est encore d’une richesse peu commune, mais
défunt Iman Réza, dont elles sont la propriété, s’indigne
chaque fois qu’on veut le dépouiller de ses
richesses, et il transforme l’or et l’argent en terre, dès
qu’on verse le minerai dans les fourneaux. Les pèlerins
me contaient cela avec le plus grand sang-froid,
et ajoutaient mille autres contes absurdes pour me
prouver le mérite de leur saint Iman. Je feignis d’y
croire pour ne pas me brouiller de nouveau avec
eux; mais je voulus, pour ma propre satisfaction,
pousser mes investigations un peu plus loin au sujet
de ces mines, et j’acquis bientôt la certitude qu’elles
ne sont devenues onéreuses pour ceux qui les exploitent
que par suite de leur ignorance dans les travaux
métallurgiques, et de l’éloignement de l’eau et du bois,
qu’il faut y amener de »très-loin et à grands frais.
A peine avais-je franchi la porte de la ville sainte,
que j’eus une altercation avec les douaniers. Ils voulaient,
contrairement aux privilèges dont jouissent
les Européens dans leur pays, me faire payer le droit
de circulation (badj). Il me fut impossible de leur faire
lâcher la bride de mon mulet avant d’avoir fait tomber,
à plusieurs reprises, mon bâton sur leur dos: cet
argument, toujours très-goûté des Persans, mit fin à
la contestation. Je n’étais pas, du reste, le premier
Européen auquel pareille chose arrivât, plusieurs
d’entre eux s’étaient souvent plaints des mauvais procédés
du douanier en chef, mais Assaf-Dooulet, habituellement
si juste à tous égards, avait un faible pour
ce fonctionnaire, et celui-ci en abusait pour commettre
de .grandes exactions au détriment de tous les négociants.
Après avoir traversé diverses rues très-populeuses,
j’allai descendre dans le beau caravansérail de l’Iman
Djumèh, situé sur le Khiabâne (avenue). L’arrivée
d’un Européen est un événement à Meched, où il en
passe si rarement, et ma présence y fut connue, dans
tous les quartiers, en moins de deux heures. La première
visite que je reçus fut celle de Mollah-Mehdi,
Vag hè-ul-Nagar (correspondant, plus littéralement
écrivain des nouvelles) du ministre britannique à
Téhéran, qui vint m’offrir ses services; je fus heureux
de les accepter. Ensuite arrivèrent une foule
d’autres personnes, Hindous, Afghans, Uzbeks, Tur-
komans et Béloutclies. Quelques-uns d’entre eux, me
croyant Anglais, venaient chercher à pénétrer l’intention
qui m’amenait dans cette ville, les uns pour
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