
et Ton arrive', en montant quelque peu, jusqu’à la
bourgade , où l’on compte de neuf cent-cinquante à
mille maisons habitées. Elle est située sur le revers
d’une montagne qui ferme au nord une plaine admirablement
belle, dans les prairies de laquelle on élève
des chevaux de race arabe nombreux et excellents. Il
y a à Kienguaver un bazar et un caravansérail-châh en
ruines et de vastes jardins fruitiers. On y remarque
particulièrement une mosquée, dans laquelle quelques
voyageurs ont cru reconnaître un ancien temple consacré
parles Ghèbres1 au culte du feu. Les fondements
de son mur d’enceinte sont des blocs de granit énormes
qui s’élèvent à six pieds au-dessus du sol; ils sont surmontés
de tronçons de colonnes, aussi en granit, mais
enfouis et en partie cachés sous une masse de cailloux et
de boue que les habitants actuels ontajoutée pour remplacer
la partie de l’édiûce qui s’est affaissée. D’autres
débris antiques, fort nombreux, particulièrement des
tronçons de colonnes, sont dispersés çà et là sur la
montagne, ou renfermés dans une ancienne forteresse
qui couronne un mamelon à la base duquel la bourgade
est adossée. Il n’est resté là que les blocs trop
lourds pour être transportés : tous ceux qui pouvaient
l’être, après avoir été brisés en plusieurs fragments,
ont été employés par les habitants à des constructions
modernes.
La vue de ces nombreuses marques de la somptuosité
des édifices qui ont occupé l’emplacement de
Kienguaver m amena naturellement à penser que ce
« Voir à l’appendice pour ce qui est des Ghèbres et de leur
émigration dans l’Inde.
*
lieu avait été une bien grande ville dans les temps
anciens. Peu à peu, en rappelant mes souvenirs et les
diverses opinions qui ont été émises sur l’emplacement
de l’ancienne Ecbatane, en relisant attentivement Ar-
rien, je me suis arrêté à la pensée que je foulais en ce
moment le sol de cetle antique cité, et voici le raisonnement
que je me suis tenu :
Bien que la plupart des écrivains voient dans Hama-
dân l’ancienne Ecbatane, cela ne me paraît rien moins
que prouvé, car la nouvelle cité ne contient pas de
monument ou de ruines qui puissent justifier cette
opinion, et ceux qui ont cherché à établir la similitude
des deux villes n’ont pu apporter, en faveur de leur
assertion, que des conjectures qui ne reposaient sur
aucune preuve sérieuse. Qu’Hamadân se soit élevé
aux dépens d’Ecbatane, en se transportant à douze
farsangs plus à l’est, cela peut être vraisemblable,
car nous voyons le même fait se répéter à Persé-
polis , qui est devenu maintenant la ville de Chiraz,
élevée à douze farsangs plus au sud; mais ce qu’il
s’agit de découvrir, c’est l’emplacement sur lequel
reposait le palais de Déjokès, et je ne puis m’arrêter
à l’idée qu’il ait jamais occupé la petite colline
connue aujourd’hui sous le nom de Mussella, qui se
trouve en dehors de l’enceinte d’Hamadân, tandis que
le monticule qu’occupe encore la vieille forteresse de
Kienguaver était digne, par son développement et sa
situation dominante, de porter le palais du roi mède.
Du reste, cette preuve ne m’aurait pas paru concluante,
si Arrien ne m’en avait fourni une autre
qui corrobore l’opinion que je venais de me former.