
ces femmes leur payassent une nouvelle, rétribution
pour eux-mêmes: elles s’y refusèrent obstinément,
et deux heures se passèrent à parlementer sans
succès. A la fin la patience m’échappa, et après avoir
exhibé la lettre de recommandation que je tenais de
Méhémed-Weli-Khan, je rossai les malencontreux réclamants
et les menaçai en même temps d’écrire à
Meched pour dévoiler leur conduite vénale à Assaf-
Dooulet. Ils devinrent dès lors souples comme des
gants, et se retirèrent à distance respectueuse, dans la
crainte d’une deuxième bastonnade. Je profitai de leur
consternation pour faire prendre la tête de la colonne
à mon chameau, tous les autres se rangèrent à la
file derrière moi, et nous défilâmes victorieusement
devant nos tyrans battus, peu contents et n’osant cependant
pas souffler mot.
Hèdirèh.— 31 mai.— 6 farsangs, dix heures de parcours,
les trois premières par une bonne route en
plaine. Ce n’est qu’en arrivant au lieu appelé Tchek-
Ab que le chemin est un peu ondulé. Nous nous arrêtâmes
quelques heures, près d’une masure en pierre
inhabitable, qu’on a décorée du titre pompeux de caravansérail,
et qui sert d’asile, pendant les mauvais
temps, aux ânes sauvages (onagres) qui abondent dans
les environs. On trouve aussi dans cette contrée, en
grande quantité, une variété de perdrix appelées en
persan siah-sinèh (poitrine noire), nom qui leur vient
de ce que leur col et leur ventre sont garnis de plumes
noires: la couleur de celles du reste de leur corps
tire sur le jaune tendre. La chair de ces oiseaux est
coriace et sans saveur, et il faut les faire bouillir pour
pouvoir les manger. Ces perdrix se rassemblent par
myriades, à Tchek-Ab, dans le lit desséché d’une ancienne
rivière en tout semblable à celui que nous traversâmes
trois heures avant d’arriver à Meched;
comme dans cet endroit, il n’y a plus qu’un mince filet
d’eau qui court au milieu. A dix heures du matin, nous
chargeâmes de nouveau et nous allâmes coucher au
caravansérail presque ruiné et inhabité d Hedirèh,
où l’on arrive à travers des montagnes, sur le versant
oriental desquelles ce caravansérail est placé.
L’eau d’une petite source coule à côté : quelques bergers
se tiennent aux environs, mais ils possèdent à
peine les provisions nécessaires à leur propre nourriture
et ne peuvent rien vendre aux voyageurs. On
ne trouve aucun village près d’Hèdirèh.
Mahmoud-Abad.—1er juin.—8 farsangs, treize heures
de marche, dans une plaine unie dont la première
partie est sablonneuse et solide, la seconde argileuse,
et facilement défoncée par les pluies. Cette plaine est
déserte ; pourtant il y a de chaque côté de la route
beaucoup de ruines, traversées par des cours d eau,
qui dénotent sa fertilité passée. Ces ruines proviennent
de nombreux villages ruinés et dépeuplés par les Tur-
komans et les Hézarèhs, tribu de nomades campée
sur les bords du Mourgâbh. A deux farsangs d’Hèdirèh,
on rencontre l’ab-ambar d’Haouz-Bibi, où
nous nous arrêtâmes deux heures pour laisser reposer
les chameaux; puis, six farsangs plus loin, nous
campâmes près de Mahmoud-Abad, gros bourg fortifié,
enceint d’une double muraille protégée par un
large et profond fossé et par deux pièces de canon du