que le drôle m’avait enlevé une paire de pistolets et
une somme d’argent assez considérable. Je m’expliquai
aussitôt sa disparition et le prétendu vol dont il
s’était plaint à Turgovèh. Dans mon malheur, j’étais
encore heureux d’avoir, par hasard, retiré la veille
de ma malle une partie de mon argent pour le placer
dans ma ceinture : sans cette précaution, j’aurais été
entièrement dépouillé. Que mon exemple et mon imprudence
servent de leçon à ceux qui voudront voyager
en Asie ! les Persans sont des scélérats qui n’ont aucune
conscience. Ce misérable Sadeuk savait que mes
ressources étaient modiques et suffiraient à peine
pour me mener au terme de mon voyage; et pourtant,
je le payais généreusement et le traitais plutôt
en compagnon qu’en domestique. Rien ne l’avait arrêté
; il m’avait volé tout ce qu’il avait» pu, et si je
m’étais mieux gardé, je suis intimement convaincu
qu’il n’aurait pas reculé devant un assassinat afin de
m’enlever mon argent. Pour cette race maudite, voler
un Européen, c’est une action méritoire, et par conséquent
plus que permise. J’adressai mes réclamations
à Méhémed-Weli-Khan, qui me promit de faire chercher
et arrêter mon fripon, mais je savais d’avance
qu’il devait me rester bien peu d’espoir. 11 est d’usage
en Perse que celui qui arrête un voleur partage le
fruit du larcin avec lui et le laisse aller; effectivement,
je n’entendis plus parler ni de Sadeuk, ni de
mon argent.
La ville de Meched n’est pas fort ancienne, et son
origine ne remonte pas à plus de mille ans; cependant
onia considère ordinairement comme l’ancienne
Thous, dont le nom primitif était Sapleï. Les Persans
attribuent la fondation de cette antique cité à Djem-
chid, cinquième roi de la dynastie pichdadienne : ses
ruines sont encore visibles à six farsangs au nord de
Meched. Cette dernière ville a dû l’importance qu’elle
a. prise au tombeau de l’Iman Réza, descendant d’Ali
par cinq générations. Quelques maisons s’élevèrent
d’abord autour de cê tombeau, pour abriter les dévots
qui y venaient en pèlerinage, et formèrent ainsi le
bourg de Sénabad; puis leur nombre finit par s’augmenter
tellement, au détriment de Thous, que cette
ville fut délaissée et devint totalement déserte. La
nouvelle cité s’étant enrichie par les dons de plusieurs
souverains et des pèlerins qui y affluèrent fut bientôt
mise au nombre des quatre villes royales du Kho-
rassan, et ce titre lui valut bien des vicissitudes. Ce
fut en 1587 de Jésus-Christ, et de l’hégire 996, que le
coup le plus terrible lui fut porté par les Tartares
Uzbeks, sous les ordres d’Abd-ul-Moumime-Khan;
pillée par eux de fond en comble, les trois quarts de
sa population furent ensuite passés au fil de l’épée :
elle ne renaquit de ses cendres que dix années plus
tard, lorsque Châh-Abbas le Grand la rattacha à la
Perse. Nader-Châh en fit la capitale de tout le royaume,
et. elle garda le même titre sous son petit-fils Châh-
Rokh-Mirza, qui y fut assiégé par les Afghans et ses
sujets révoltés. Ce prince conserva le Khqrassan pendant
quelques années encore, et en fut dépouillé par
Aga-Méhémed-Khan, fondateur de la dynastie des
Kadjaps. Depuis çe moment, Meched n’a plus été séparée
de la Perse, et c’est là que le gouverneur génp