
confiance qu’il inspire aux voyageurs et aux négociants.
Ces derniers remettent souvent aux caravaniers
des sommes en or considérables, et Ton n’a
jamais entendu dire qu’un djilo-dar ait trahi leur
confiance. Ses chevaux ou ses mulets sont ordinairement
bons et bien soignés; un djilo-dar en possède
dix, trente, cinquante, suivant sa fortune, et les fait
soigner par un personnel suffisant de domestiques.
Quand il a traité avec des négociants pour le transport
de leurs marchandises, si ses bêtes de somme
sont insuffisantes , ce qui arrive presque toujours, il
recrute tous les petits caravaniers qui n’ont que sept
à huit bêtes de charge, et leur confie le surplus de
son chargement : mais ces gens-là restent sous ses
ordres, et lui obéissent en tout point jusqu’à leur
arrivée à destination. C’est le djilo-dar qui désigne
les villages où doit s’arrêter la caravane et les heures
de départ. S’il n’y a pas de caravansérail à la halte,
il choisit lui-même l’emplacement du campement
dans un endroit spacieux, tel que la place du village.
Chaque muletier dépose ses ballots dans un lieu que
lui désigne le djilo-dar, de manière à ce que tout cela
forme un rond ou un carré en dehors duquel dorment
les voyageurs. L’intérieur est réservé aux mulets,
qu’on attache par leur longe à de grandes cordes
fixées an centre et aux extrémités par deux grands
clous en fer fichés en terre. Il y a toujours, avec les
caravanes, une catégorie de voyageurs persans peu
fortunés, qui se cotisent à deux pour acheter un âne
dont ils se servent tour à tour comme monture, et pour
lui faire porter d’énormes bâts, sous le poids desquels
la pauvre bête est écrasée. A dire vrai, une fois arrivé
au gîte, l’animal trouve toujours des soins empressés
et une ration complète : on l’étrille, on le lave, ses
membres sont massés, ses naseaux et ses oreilles
contournés, froissés, tortillés; un père n’a pas plus
de tendresse pour son enfant que les propriétaires de
ces ânes pour leurs animaux. Certains voyageurs, tout
à fait dénués de ressources, vont à pied, et subsistent
au moyen de quelques charités de vivres que
leur font leurs compagnons de voyage, en échange
des petits services qu’ils leur rendent. Ce sont eux
qui vont chercher l’eau à la rivière et qui apportent
le bois de chauffage. Dès que la caravane est installée
au gîte, le djilo-dar donne l’heure du départ pour le
soir ou le lendemain matin, soit que l’on voyage le
jour ou même la nuit, afin que chacun sache le temps
dont il peut disposer pour ses affaires particulières.
Une fois en route, la caravane est divisée en pelotons
de dix à douze mulets que l’on nomme deslès : ceux du
djilo-dar forment la tête de colonne et il place toujours
sa meilleure bête en avant, afin que les autres
soient stimulées par son exemple et se maintiennent
toujours à une allure v iv e , égale et soutenue. Cette
mule conductrice est toujours recouverte d’un harnachement
de luxe, chargé de broderies, de coquillages,
de colifichets et de grelots, dont le tintement annonce
au loin l’arrivée de la caravane. Derrière les pelotons
marchent les kalerdjis (on nomme katerdji le caravanier
qui possède des mulets, et chalvadar celui qui
possède des chevaux de charge) qui, pendant le trajet,
ont constamment les yeux fixés sur leurs charges res