
des plaines et des vallées assez fertiles, mais où l’eau
est rare : tout fait supposer qu’elle doit être plus
abondante à droite et à gauche de notre roule, où
nous voyons au loin de nombreuses tentes de nomades,
qui ne s’y seraient pas établies si le lieu était
aride. Nous évitâmes tous ces campements et nous
franchîmes cette étape à peu près à travers champs,
sous la conduite d’un Hézarèh Tatar, qui nous avait
été donné par Alayar-Beg pour nous conduire jusqu’à
Ser-Peul. Après avoir fait six farsangs, nous traversâmes
une suite de collines quelque peu boisées, se
rattachant à une chaîne de montagnes que longe la
rivière qui passe à Balkh. Le seul village que nous
vîmes pendant celte journée se trouvait au sommet
de l’une d’elle3. Sa position avait quelque chose de pittoresque
et d’effrayant tout à la fois; il paraissait être
accroché au flanc des rochers : noire guide nous dit
qu’on y arrivait du côté opposé de la colline, par un
chemin creusé dans le roc et excessivement difficile à
gravir. Les habitants de cette localité fabriquent des
tapis très-estimés, qu’ils vendent très-bien à Khoulm
ou à Kaboul. Cette industrie suffirait même pour les
faire vivre honnêtement, ce dont ils ne se soucient
guère, à ce qu’il paraît, car ils passent pour les voleurs
les plus audacieux de la contrée. Ces gens-là prétendent
être descendants des aborigènes, et n’avoir
jamais obéi à aucun conquérant : leur langage est
un persan plus corrompu, ou peut-être plus primitif
encore que celui que parlent les Hézarèhs,
et leur culte une espèce d’idolâtrie mêlée d’islamisme.
En approchant de la rivière de Balkh, nous
traversâmes de belles prairies dont Pherbe arrivait
jusqu’au ventre de nos chevaux ; nous eûmes beaucoup
de peine à traverser une infinité de rigoles et de
fossés qui portent au loin l’eau de cette rivière, nécessaire
aux cultures des nomades, lesquels nous évitâmes
le plus possible. Il était nuit lors de notre arrivée
au Dehas (c’est le nom de la rivière), vers un
campement de Hézarèhs, composé de vingt-deux
tentes, commandées par Tchopan-Ali, cousin d’A-
layar-Beg. Nous ne vîmes pas ce personnage. Il resta
dans sa tente, et fit vider une de celles qui étaient à
côté pour nous recevoir. A minuit, il nous envoya
pour noire souper un pain très noir et très-compact
avec le quartier grillé d’un djêràne1 qu’il avait tué la
veille. A ma grande satisfaction, nous n’eûmes la visite
de personne, et le lendemain, au point du jour, nous
étions à cheval pour nous rendre à Ser-Peul.
Ser-Peul.—9-10 juillet.—Parcours de dO farsangs.
Après avoir passé à gué le Dehas, qui est assez fort
dans cette partie de son cours, nous cheminâmes une
heure et demie à travers les prairies, puis nous entrâmes
dans une chaîne de montagnes d’une moyenne
hauteur; nous en franchîmes les premiers chaînons
par un sentier pierreux, côtoyant la roche abrupte.
Au-dessous de nous s’ouvrait un précipice dans le fond
duquel coulait un torrent, où nous vîmes successivement
arriver, pour s’y désaltérer, de nombreux troupeaux
dé daims et de sangliers; ces derniers surtout
y venaient par centaines et se vautraient dans l’eau
avec délices. Nous perdîmes ce spectacle de vue en arri-
1 Djéràne signifie antilope, — Ed.