
sans doute par l’effet de l’évaporation. Nous descendîmes
par des collines d’une douce inclinaison
jusqu’au bord de ce lac, autour duquel étaient placées
sans régularité, et suivant les possibilités de
l’emplacement, de nombreuses tentes de nomades
Téhimounis. Des petits carrés de cultures et des jardins
entourés de murailles en pierre à hauteur
d’appui, séparaient les campements les uns des autres.
La prodigieuse hauteur de l’herbe des prairies
attira surtout mon attention, car elle cachait presque
entièrement le bétail qu’on v laissait paître en liberté.
La puissance de végétation du sol de cette vallée était
comparable à tout ce que j’avais vu de plus luxuriant
en ce genre en Europe. Sur la cime des montagnes
environnantes on apercevait quelques ruines,
dont chacune a sa légende parmi les habitants de
cette localité. Le côté nord, par lequel nous étions
arrivés, est le moirft élevé : les prairies s’y étalent
jusqu’à mi-côte. A l’ouest, se projettent des rochers
aux formes bizarres, sous lesquels se déroulent
quelques taillis de frênes et de chênes verts, tandis
qu’à l’est, la montagne est couverte, de la
base au sommet, d’une forêt de petits arbres. Le
côté sud est moins favorisé. Un groupe de très-
hautes montagnes pierreuses, rocailleuses, tourmentées
comme si elles fussent récemment sorties
du chaos après une révolution de la nature, et
coupées par des ravins d’où sortent des eaux assez
abondantes, complètent la ceinture de cet oasis des
montagnes. Les pêcheurs tiraient leurs filets du lac,
et les femmes, sans voile, faisaient rentrer les troupeaux
quand nous entrâmes au campement. Quelques
jeunes filles tissaient aussi des bareks en plein vent,
au moyen de deux cordes retenues et fixées par quatre
piquets plantés en terre : jamais je ne vis mécanisme
plus simple. La joie, la satisfaction et la santé étaient
empreintes sur toutes ces figures. Les habitants de
cette localité perdraient certainement à échan -
ger leur petite vallée rustique et isolée contre
les somptueuses cités de nos pays civilisés, dont
ils connaissent quelques-unes des merveilles sans
les ambitionner. Leurs désirs se bornent à ce
qu’ils possèdent : que faut-il de plus pour être
heureux?
Notre arrivée excita la curiosité des pêcheurs, dont
les questions mille fois renouvelées finirent par nous
étourdir ; mais nous refusâmes de les satisfaire avant
d’avoir vu leur chef, Moustapha-Khan, pour lequel
j avais une lettre. Sa demeure était située de l’autre
côté du lac. Nous traversâmes cette nappe d’eau dans
des petites barques en roseaux enduites intérieurement
d’un mastic blanchâtre. La demeure du Khan
était bâtie au milieu d’un joli jardin où nous reçûmes
l’hospitalité. 11 était occupé quand nous arrivâmes
chez lui, et nous ne le vîmes qu’à l’beure
du souper. Nous le trouvâmes en compagnie d^un
Afghan de Hérat, arrivé depuis quelques jours à Dé-
ria-Dèrrè, que je reconnus immédiatement comme
ayant été un de mes visiteurs les plus obstinés pendant
mon séjour dans cette ville. 11 se nommait Os-
man-Khan, e t parut tout aussi étonné de me voir là
que moi, de mon côté, j’étais peu satisfait de l’y ren-
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