
se renouveler ainsi jusqu’à l’arrivée à destination.
Heïvàne-Kièf est un village de quatre cents feux
avec un caravansérail-cliâh à moitié ruiné, de nombreux
jardins et des cultures très-étendues. Une petite
rivière, descendant des montagnes du Mazendèran,
coule dans ce village, encaissée entre deux berges élevées
de plusieurs mètres et va, comme le Djadjé-
Roud, arroser les cultures de la plaine. La chaleur
était suffocante, et le thermomètre centigrade marquait
38 degrés à l'ombre. La récolte était déjà commencée
dans ce district. En arrivant au campement,
installé assez loin du village, je fus pris par un fort
accès de fièvre, et je restai exposé à un soleil brûlant
faute d’abri, personne n’ayant voulu m’admettre dans
un coin de sa tente. Couvert de sueur et entouré d’une
myriade de mouches qui me mettaient au supplice,
n’ayant personne qui me vînt en aide, je suppliai
quelques pèlerins de me donner un peu d’eau, mais
ces drôles me répondirent, comme la veille, par des
grossièretés. Enfin, à force de supplications, l’un d’eux
me demanda combien je lui donnerais s’il remplissait
ma tumla (cruche). J’en passai par où il voulut, et je
lui offris un saiiebkran pour avoir transvasé l’eau
de sa cruche dans la mienne. Ceci fait, il dit à son
voisin : « Le très-élevé Abbas nous a cependant défendu
de donner de l’eau à ces infidèles de chrétie s,
et je crains bien d’avoir commis un péché. »—- « C’est
vrai, répondit l’autre, mais nous autres Persans nous
sommes des gens si humains (murvet dar estim) î Tu
as failli, car tu devais lui faire jurer de devenir mu"
sulman, et ne lui donner ton eau qu’après qu’il aurait
fait la profession de foi de l’Islam.»— Déjà ils parlaient
de reprendre la chère boisson, lorsque je me jetai sur
la cruche que je renversai accidentellement, mais avec
ce qu’elle contenait encore je pus étancher ma soif
dévorante. Enfin le ciel prit pitié de mes souffrances
et amena près de moi un pauvre diable de villageois
faisant à pied le pèlerinage de MecHed, qui consentit
à me servir jusqu’à notre arrivée dans cette ville,
moyennant douze sahebkrans, à condition qu’il ferait
sa cuisine à part, dont je supporterais les frais, et que
je respecterais ses préjugés. J’acceptai avec empressement,
m’estimant heureux qu’il ne se montrât pas
plus exigeant, et, tout mal servi que je fus dans la
suite, j’eus au moins le bonheur de ne plus me trouver
dans la nécessité d’avoir recours à mes fanatiques
compagnons.
Kechlag-Khar.—6 mai.—Encore une étape où l’on
ne compte que six farsangs; mais je garantis qu’il y en
a sept. Nous les parcourons en dix heures ; les deux
premières en plaine, et la troisième à travers le défilé
de Serdari, frayé à travers les chaînons d’un vaste
contre-fort qui se détache des montsElbourz et se prolonge,
en allant toujours en s’abaissant, jusqu’à quatre
ou cinq farsangs au plus dans la plaine, dans la direction
du sud-est. Un espace de dix farsangs environ,
occupé par le désert Salé, sépare ce défilé du Siah-
Kouh qui, malgré cette interruption, paraît être une
continuation de la même chaîne. Il résulte de cela
qu’on pourrait facilement tourner au besoin le défilé
de Serdari, qui offre d’excellentes positions défensives,
surtout à son entrée èt à sa sortie, où il est tel