
remplaçait par un autre, jusqu’à ce que tous v eussent
passé. Mais la bastonnade n’ayant rien fait découvrir,
le Vézir ordonna de scalper tous ces malheureux, ce
qui fut exécuté. C’est alors seulement que, grâce à
quelques indices, la police fut mise sur la voie du
véritable coupable, qui était parfaitement connu de
tous les accusés : mais ces malheureux avaient préféré
subir les plus atroces souffrances plutôt que de
le dénoncer à la justice. Il existe une espèce de compromis
tacite entre les Afghans. Chacun d’eux a tellement
besoin de la discrétion des autres pour ses
propres méfaits, qu’ils se font tous un rigoureux
devoir de garder le plus profond silence sur les fautes
d’autrui. A vrai dire, une révélation dans ce pays
est considérée comme un assassinat, et celui qui la
fait peut être sûr que, tôt ou tard, les parents de sa
victime lui feront subir la peine du talion. L’assassin
du lieutenant dont il est ici question était un de
ses voisins, qui n’était encore que soupçonné. Yar-
Méhémed-Khan ordonna de lui ouvrir le ventre et
de le pendre par le menton à un des crocs placés
pour cet usage dans le bazar, et de l’y laisser jusqu’à
ce que mort s’en suivît. Le misérable se voyant
découvert avoua son crime, en donnant des détails
qui ne permirent plus de douter qu’il ne fût le
véritable coupable. Malgré son aveu, la sentence
fut exécutée. Arrêté par la foule qui obstruait toutes
les avenues pour assister à ce spectacle, je devins,
bien à regret , le témoin d’une partie de ces atrocités'.
11 est déplorable d’être obligé d’avouer que
'U n e exécution du même génrè eut lieu à libéral pendant
de pareils moyens sont à peu près indispensables
en Afghanistan, si l’on veut prévenir l’augmentation
des crimes, car nulle autre part on ne commet un
assassinat avec autant de facilité et pour si peu de
chose. Je parvins, à la fin, à me frayer un passage au
milieu de la foule, et je rattrapai Feïz-Méhémed-
Khan, qui m’avait devancé d’une heure.
Koch-Rabat. — 23 juin. — 3 farsangs de distance à
travers une plaine argileuse, par une route unie et
facile. Nous ne fîmes que de petites traites ces deux
premières journées, afin de mettre nos chevaux en
baleine. Lorsque ces animaux n’ont pas été entraînés
à l’avance, de manière à être préparés à se mettre
en route, on fait deux étapes jusqu’à Koch-Rabat;
s’ils sont bien dispos, on vient y descendre le premier
jour de marche, mais il faut y apporter avec
soi des provisions de toute sorte, car ce lieu est
inhabité; on y trouve seulement un filet d’eau marécageuse,
qui coule près d’un caravansérail-châh
ruiné.
Kouchk-Assiab. - 24 juin. — Distance de 7 farmon
séjour. dans cette ville, mais aucun des Anglais de la Mission
ne voulut y assister -, bien au contraire, nous évitâmes de
rien voir de cet horrible spectacle. Avant notre arrivée à Hérat,
ces exécutions étaient fréquentes e t nul ne peut révoquer en
doute que Yar-Méhémed exerçait les plus terribles cruautés
non-seulement contre le s vrais criminels, mais encore contre les
malheureux qui n’étaient pas de la même opinion politique que
la sienne. On assure qu’il fit écorcher tout vivant un chef de
Berdouranis, e t qu’il le fit ensuite bouillir dans une vaste chaudière.
Ce fait sans exemple se passa quelques mois avant l’a r rivée
de Pollinger à H é ra t.—L.