
d’heure pour arriver au haut de la montée, par suite
des obstacles que nous rencontrions à chaque pqs. Le
premier échelon qui conduit sur le grand plateau de
l’Asie centrale était franchi ; dès lors nous n’avançâmes
plus qu’à travers un pays quelquefois ondulé,
mais le plus souvent, dans un défilé très-boisé et très-
fatigant pour nos montures, en raison de la grande
quantité de pierres qui recouvraient le sol. Un cara-
vansérail-châh, ruiné, se trouve au milieu du défilé ;
la forêt cesse dès qu’on l’a dépassé et fait place à une
vallée large d’environ trois quarts de lieue, couverte
de gras pâturages, au milieu desquels s’élèvent en été
de nombreuses tentes de nomades. On remarque aussi
çà et là quelques villages. *.
1 Depuis que M. F e rrie r a écrit ce passage, Zohab e t Ser-
Peul ont été restitués aux Turks par les Persans. La montagne
de Kérend , qui est la limite la plus naturelle en tre les deux
États, a été désignée par des commissaires spéciaux , comme
la frontière que reconnaîtront à l’avenir les populations; mais
cette décision ne fera, à mon avis, que compliquer la question
au lieu de la résoudre. La raison en est simple : cette frontière
est habitée par des nomades qui ne peuvent élever leurs tro u peaux
qu’à la condition d’avoir pendant les cinq mois les plus
froids de l’année, à leur disposition, les pâturages de la plaine
qui a été cédée aux Turks, e t pendant les sept autres mois de
chaleur , il est indispensable qu’ils se tran sp o rten t dans les
montagnes de la Pe rs e , pour y trouver des pâturages, en remplacement
de ceux qui se desséchent dans la plaine. 11 s’en
suivra que le pays deviendra désert p ar suite de l’impossibilité
matérielle où se trouveront les nomades'd’alimenter leurs
bestiaux, étant privés de la faculté de passer d ’un pays dans
un autre ; ou bien celte faculté devra leu r être accordée ; %lors
Turks e t Persans voudront prélever un impôt sur ces Iliales, ce
qui amènera des différends interminables. Les Persans n ’avaient
Apres être sorti de la forêt, nous cheminâmes encore
deux heures et demie dans la vallée, puis nous arrivâmes
à Kérend, gros bourg de onze cents maisons,
entouré de nombreux jardins où l’on trouve un cara-
vanserail-châh. Les habitants de cette localité sont Ali-
Illahis1, c’est à dire adorateurs d’Ali qu’ils considèrent
pris le parti de dominer dans la plaine, que pour mettre un terme
à ces discussions; la leur reprendre peut, ju sq u ’à un certain point,
satisfaire l’amour propre du Sultan, mais, à coup su r, il prép a re à
son gouvernement des embarras sans fin. Le Châh pourrait, à peu
de frais, fortifier la passe de Kérend, e t sa frontière de ce côté
serait très—difficile à entamer ; mais l’argent de la P e rse est ra rement
dépensé dans un but d ’utilité publique et ces travaux
importants ne seront pas plus exécutés sous Nasser-Eddin-Chàh
qu’ils ne l’ont été sous feu son père Méhémed-Châh.
1 La secte des Âli-lllahis est un mélange de judaïsme, de sa béisme,
de christianisme e t de mahométisme. La tombe de Baba
Yagdar, située dans le défilé de Zardah, est considérée par ces
sectaires comme un lieu consacré. A l’époque de l ’invasion des
Arabes en Perse, on pensait généralement que c’était là la d e meure
d’Elie. Les Ali-lllahis croient aux incarnations successives
de Dieu et les énumèrent à mille e t une. Benjamin, Moïse, Elie,
David, Jésus-Christ, Ali e t son maître Salman (ils ne font qu’un)
l’fman Hossein e t les Haftan (aux sept corps) sont réputés
par eux pour être les principales de ces incarnations divines.
Les Haftan étaient sept « Pirs », autrement dit des guides spirituels
qui vivaient à l’époque de la naissance de l ’Islamisme e t
étaient adorés, chacun en particulier, comme une divinité. On
les vénère encore dans certaines parties du Kurdistan. Toutes ces
incarnations passent pour être le fait d’une seule e t même personne
dont l’aspect physique aurait été changé. Les sectaires assurent
pourtant que les plus parfaites de ces incarnations étaient
Benjamin, David, et Ali. Le ju if espagnol Benjamin d eT u d e la
paraît avoir placé au nombre de ses coreligionnaires tous les
Ali-lllahis. Il est possible, qu’à l’époque où écrivait de Tudela,
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