
encore généralement que les Européens donnent un
prétexte, lorsqu’ils disent qu’ils ne grimpent sur les
montagnes que pour y chercher des plantes ; ils s’imaginent
que leur but principal est d’aller s’y entretenir
avec le diable, qui leur indique les simples ayant la
vertu de faire trouver la pierre philosophale, à laquelle
ils supposent que nous devons toutes nos richesses.
M. Aucher était donc considéré par eux comme
un associé du démon, et c’est à ce titre qu’ils lui ont
fait subir tant de mauvais procédés.
Ce n’est pas seulement le fanatisme des populations
qui rend les voyages en Asie désagréables: les inconvénients
qui résultent des moyens de locomotion, du
manque de bonne eau, de vivres, d’abri, et la crainte
des pillards, ne sont pas moins pénibles. Ces inconvénients
augmentent surtout à mesure qu’on s’éloigne
des grandes lignes de communication (plus habituellement
suivies par les Européens), pour se rapprocher
de l’Asie centrale. Les ressources que l’on trouve
dans la Turkie d’Asie et la Perse occidentale peuvent
les faire considérer comme confortables; la sécurité y
est parfaite, si on les compare à ce que présentent
sous ce rapport le Khorassan et les contrées situées
à l’est de cette province. Les extrémités auxquelles on
y est souvent réduit entraînent forcément l’observance
de toutes les vertus de tempérance et de frugalité.
Pour un soldat habitué à la vie des camps, cette
existence est moins rude, il est vrai, que pour un
touriste habitué aux douceurs de la vie civilisée;
mais les natures les plus solides ne peuvent même pas
toujours résister aux privations sans nombre qu’on
est obligé de subir dans ces contrées. Pour mon
compte, j’ai subi de rudes épreuves, et cependant
je ressentais un certain plaisir à mener cette vie
nomade qui me rapprochait des temps primitifs, à
jouir de cette liberté d’actiori achetée par tant de dangers
et de souffrances. L’homme grandit alors à
ses propres yeux, l’âme se replie sur elle-même avec
une vigueur inaccoutumée, on pense aussi plus vite,
plus profondément et plus juste, au milieu de ces déserts,
et l’on finit par s’accoutumer à la misère, lorsqu’on
voit qu’elle est commune à tous ceux qui vous
entourent.
La prochaine étape que nous avions à faire étant de
dix farsangs, nous, en fîmes deux, en trois heures,
vers le soir : après la première, nous laissâmes à
gauche le gros village de Bèdècht, puis, tournant
à Pest-sud-est, nous allâmes camper, pendant une
heure, près des ruines très-étendues d’un village arrosé
par un cours d’eau. Nous y trouvâmes quelques
bergers. Pendant que les bêtes de somme mangeaient
l’orge, nous fûmes surpris par un de ces violents
orages sans pluie, si communs dans cette contrée.
Miyamèh. — 15 mai. — 10 farsangs, 14 heures de
marche par une route plate, sablonneuse et facile, à
travers un désert. A mi-chemin, on trouve un ab-
ambar récemment reconstruit. Le caravansérail-châh
qui existait vis-à-vis est détruit de fond en comble.
A une farsang au delà de cet ab-ambar, sur la droite
et au sommet d’un étroit plateau situé au milieu
de quelques collines, il y a une petite forteresse, nouvellement
bâtie, dans laquelle, outre quelques pay