
initiation plus complète du Vézir sur cette contrée, et
dans ce but il devait, conformément aux ordres qu’il
avait reçus, y former deux bataillons pris dans la population
tadjike, qui déteste la population uzbeke, à
laquelle appartiennent Eukmet-Khan et Chir-Khan,
qui sont de la tribu de Ming.
L’armée de ce Khanat se compose habituellement de
quinze cents cavaliers et de mille fantassins, mais en
cas de guerre elle peut être portée en quelques jours
à huit ou dix mille hommes. Le revenu de Meïmana
est évalué à quatre cent quatre-vingt mille francs,
Je devais quitter dans cette ville Feïz-Méhémed-
Khan, et j ’en éprouvais un grand contentement, parce
que, détestant les Anglais et me croyant des leurs, il
s’était fort mal comporté avec moi. Nous avions vécu
complètement isolés l’un de l’autre, depuis notre départ
de Hérat, nous adressant rarement la parole si ce.
n’est pour nous disputer. A chaque instant il me faisait
faire les demandes les plus exorbitantes par les
gens de sa suite : un jour c’était de l’argent, dont il
disait manquer, qu’il exigeait de moi ; une autre fois
c’étaient mes armes, ma montre ou tout autre objet,
que je lui refusais toujours, bien entendu; mais le
gaillard n’était pas homme à se laisser rebuter par
un refus, il revenait sans cesse à la charge, bien qu’inutilement.
Il me témoigna sa rancune de ces refus,
quand nous arrivâmes à Meïmana, car au lieu de me
mener loger avec lui chez les Khans gouverneurs,
ainsi que le Vézir-Saheb lui en avait donné l’ordre, il
me dit que cela ne lui était pas possible et que je
serais plus à mon aise au caravansérail. 11 ne pensait
pas assurément dire Si vrai, et il ne pouvait rien
faire qui me fût plus agréable. La liberté qu’il me
donnait me permettait de décamper à mon aise,
quand je le voudrais, et d’éviter le contact de gens
qui pouvaient beaucoup trop ébruiter mon passage
dans la Bokharie, où venaient de périr si malheureusement
les infortunés Stoddart et Conolly : je ne
pouvais donc m’entourer de trop de précautions. Avec
les deux Hézarèhs que m’avait recommandés Abdul-
Aziz-Khan, je n’avais besoin ni de protecteur, ni de
guide, car ils connaissaient parfaitement les routes
que nous allions parcourir et ils avaient presque partout
des parents ou des amis ; cela me suffisait, tellement
j’étais sûr de n’être point reconnu pour un
Européen, à moins d’êlre trahi. Quelques paroles
échappées aux serviteurs de Feïz-Méhémed-Khan me
faisaient craindre qu’il ne cherchât a m’arrêter par
de sourdes menées : afin de le prévenir, je pris le parti
de quitter subitement Meïmana, sans faire ma visite
aux Khans gouverneurs.