
affirmé qu’il n’v a pas plus de quatre-vingts ans le
Héri-Roud, au lieu de descendre au nord-ouest, sç
recourbait brusquement vers le nord après avoir
dépassé Kussan, et allait se perdre dans le Mourgâbh.
Il est permis d’ajouter foi à cette assertion, car le
même détournement s’est produit,dans l’Asie centrale,
pour beaucoup d’autres rivières ; non par suite d’accidents
naturels, mais d’un travail fait par des tribus
entières qui, quittant un emplacement, détournent
le cours de l’eau pour la faire passer dans leur nouvel
établissement. Les lits larges et profonds des rivières
qu’on trouve desséchés dans tout le Khorassan n’ont
pas d’autre cause; c’est ce que pi’ouvent les sanglantes
guerres qui ont eu lieu, et éclatent encore aujourd’hui,
entre les diverses tribus de ces contrées en
conséquence du détournement des eaux par l’une
d’elles. Effectivement, il n’y a pas à compter sur les
pluies pour alimenter les terres, car elles sont rares
et tombent seulement en hiver et au commencement
du printemps; enlever l’eau d’un campement, c’est
donc lui ôter tous ses moyens d’existence, parce que
les cultures se dessèchent et ne produisent plus de
grains. Les prairies subissent le même sort; les bestiaux,
privés de nourriture périssent aussitôt; les
arbres finissent eux-mêmes par mourir, et cela cause
la ruine de la tribu. C’est à tort que quelques géographes
ont pensé que le Héri-Roud devait couler anciennement
au sud et se perdre dans le lac du Sistan. Ce
qui leur aura fait commettre cette erreur, c’est qu’une
petite rivière, descendant aussi de la Paropamisade,
portant dans la dernière partie de son cours le nom
de Herroud-Roud, et souvent, par corruption, celui
de Héri-Roud, coule entre leKhachek-Roud et les montagnes,
jusqu’au lac du Sistan. Mais les deux rivières
ne se confondent point, quoique à leur naissance elles
soient très-rapprochées l’une de l’autre : du reste, la
chaîne de montagnes qui borne au sud les plaines et
les vallées par où passe le Héri-Roud s’oppose à ce
qu’il prenne sa direction de ce côté *.
La ville de Kussan n’est plus aujourd’hui qu’une vaste
ruine : on n’y compte pas plus de quatre cents maisons
habitées. Sa muraille d’enceinte est ouverte sur
plusieurs points, et son aspect est d’accord avec la
tradition qui veut que cette ville ait été maintes fois
détruite et réédifiée. Ce qu’il y a de certain, c’est que
les matériaux dont se compose la citadelle indiquent
une grande antiquité : les briques cuites qu on y voit
sont d’un grain.fin et passées à l’état de pierçe, telles
qu’on en rencontre dans les constructions de tant de
villes des premiers âges. Cette citadelle est entourée
d’un fossé large, profond, en très-bon état, et constamment
rempli d’eau; ses fondations, et la plupart des
1 Mes observations sont d’accord avec cette assertion. Il ne
m’a cependant point été possible de suivre ju sq u ’à une certaine
distance le cours du Héri-Roud. Le colonel Edward Sanders,
assisté p ar sir Richniond Shakespear e t le capitaine North, a
levé les plans de la valîée de Hérat e t du pays avoisinant Hérat
et Kandahar. Feu le capitaine Edward Conolly a aussi publié quelques
documents géographiques sur son voyage de Hérat à Gi-
rishk par la voie du Sistan, dans le Journal Asiatique du Bengale
en 1841. — On trouve aussi une description très-exacte de la
ro u le en tre Kandahar et Hérat dans le journal d’A rthur Conolly,
publié en 1834. — L.