
posent toujours nantis, ou simplement pour se débarrasser
des craintes que leur présence inspire.
Yar-Méhémed-Khan ne voulût pas me laisser parlir
avant de m’avoir donné à dîner. Il réunit à cet
effet quelques seigneurs de sa cour et me traita très-
. confortablement. Malgré la défense du Prophète, ces
messieurs tirent une ample consommation de vin et
se grisèrent complètement. Dès qu’ils furent un peu
animés par les libations, ils commencèrent à débiter
force balivernes dont je m’amusai beaucoup. Je trouvai
surtout curieux de les entendre patauger dans la politique
: ils donnèrent d’abord quelques louanges aux
Anglais, de peur de me blesser, et ils finirent par
en dire pis que pendre. On parla de la Russie comme
d’une menace à leur adresse et de la Perse comme
d’un canon hors d’usage : ils s’accordèrent à dire qu’ils
ne connaissaient pas les Français, mais que Napoléon
leur souverain, dont je parlai beaucoup, était presque
un aussi grand homme que Nader-Châh; ils regrettaient
seulement qu’il n’eût pas été musulman. Une
pareille restriction faite par des sectateurs de l’Islam
est significative : le blâme, en pareil cas, prime lé -
loge car dès qu’on n’a pas l’avantage d’être né dans
leur croyance, fit-on même des prodiges, on n’est
encore que très-peu de chose à leurs yeux. A la fin du
repas, les convives finirent par ne plus pouvoir se soutenir,
ni même rester assis, et roulèrent sur les tapis,
qu’on dut laver le lendemain pour les purger de
plus d’une impureté. Je quittai ces honnêtes musul-
' mans à deux heures du matin, et dès le jour suivant,
je fis mes préparatifs de départ.
CHAPITRE XIY.
Départ de M. F e rrie r de la ville de Hérat.—Conseils donnés
par Yar-Méhémed.—Exécution d’un chef Téhimouni.—H orrible
scène dans le bazar de Hérat.—Férocité des Afghans.
i— Pervanèb. — Koch-Rabat. — Kouchk-Àssiab. — Tchin-
gourek. —Turchihk. — Le camp des Hézaréhs-Zeïdnats.—■
Leur origine et leur histoire.—Le district de Kalèh-Noouh.
—Kérim-Dad-Khan, sa défaite par Yar-Méhémed. -Le drap
de laine de chameau et de poil de chèvre.—Les chevaux
Hézarèhs.—Intrigues de Kérim-Dad-Khan.—Contingent de
troupes fourni par lui.—Les Djem-Chidis.—Assassinat d’un
ambassadeur de Yar-Méhémed-Khan.— Mingal.— Origine
des Tadjiks.—Description physique des Hézarèhs.—Leurs
femmes soldats. — Le village de Mourghâb,—Abdol-Aziz-
Khan.—Son accueil amical. —La rivière de Mourghâb._
Les Firouz-Kouhis.—Leurs chefs.^-Kalèh-Wéli.—Les Kap-
ch a k g .—Les E ïmaks.—Leurs forces militaires. — Tchar-
chembèh.—Kaïssar.—Le Khanat de Meïmajia.—Ses forces
militaires. — Départ de Feïz-Méhémed-Khan. — Opinion
de l ’auteur sur le compte de cet homme.
J’avais été longtemps indécis sur la direction que
je devais prendre pour me rendre à Kaboul; mais le
Vézir-Saheb s’étant décidé à envoyer son maître des
cérémonies, Feïz-Méhémed-Khan, en mission près du
Wali de Meïmana, je me décidai à partir avec lui et à
passer par cette ville afin de jouir de la protection de
ce fonctionnaire jusque-là. Yar-Méhémed-Khan, tout
en me prévenant que cette voie n’était pas sans danger,
ne fut pas d’avis que je dusse lui en préférer une autre,
seulement il me refusa les lettres de recommandation
que je lui demandai pour les chefs dont je devais