
Div-Bissar.—42 juillet.—Distance de 40 farsangs.
Après une heure de marche dans une gorge profonde,
nous commençâmes à gravir la montagne où nous
rencontrâmes, de farsang en farsang, des petits forts
en pierres, situes dans les positions les plus avantageuses
pour la' défensive : un détachement de quelques
hommes pourrait y arrêter longtemps une armée
d’invasion. Nous montâmes pendant quatre heures au
milieu de blocs de pierre roulées les unes sur les autres,
obstruant une route étroite qui serpente jusqu’au
Sommet, à travers mille accidents de terrain; nous
descendîmes ensuite le revers opposé dans les plis
d’un nouveau défilé fortement encaissé, au milieu
duquel coulait un torrent formé par la fonte des neiges
des hauteurs environnantes : nous fûmes souvent
forcés de mettre pied à terre, dans l’impossibilité où
nous étions de rester à cheval par ce chemin diabolique
: c’est une des routes les plus affreuses que j ’aie
jamais vues. Il nous fallut deux heures pour arrivée
à des vallées qui finissent par se confondre en une
seule plaine de 36 farsangs de circonférence, bordée
de hautes montagnes, dans lesquelles on débouche
seulement par deux passes : celle qui venait de nous
y conduire et une autre par où nous devions en
sortir le lendemain; la végétation était des plus admirables
dans ce vaste bassin, dont le sol est disposé
en cultures ou en prairies a peu près sur tous les
points. Nous y remarquâmes aussi beaucoup d’arbres
et des cours d’eau nombreux descendant des montagnes,
dont les cimes escarpees forment avec la plaine un
contraste complet; elles sont pour la plupart couvertes
de rochers et dans les endroits où elles sontrevêtues de
terre végétale, on voit pousser quelques arbustes rabougris,
que les habitants décorent du titre usurpé de
djinguel (forêt). On y trouve une assez grande quantité
de bêtes fauves redoutées des bûcherons, qu’elles
déchirent souvent à belles dents.
Les habitants de ce pays se disent Mongols, mais on
ne les connaît que sous le nom de Séhérahïs, qui signifie
habitants de la plaine : ils forment une petite
république indépendante qui obéit cependant jusqu’à
un certain point aux ordres du Khan de Ser-Peul, le
lion de la contrée. Les Séhérahïs prétendent avoir été
établis là par Djenghiz-Khan, et ils assurent avoir
bravé tous les efforts qu’ont tentés pour les asservir les
conquérants venus après ce grand exterminateur.
Quand on a vu l’accès difficile de leur pays, il est facile
de les croire, d’autant plus qu’ils trouvent dans leur
plaine tout ce qui est nécessaire à l’existence, sans être
obligés d’avoir recours à leurs voisins. Les Séhérahïs
ont une idée vague de l’Islamisme et jurent souvent
par Ali et par le Prophète; mais ils doivent avoir retenu
ces exclamations à force de les entendre répéter
par leurs voisins, car, autant que j’ai pu le comprendre,
leur culte est une véritable idolâtrie. De même
que les anciens Persans, ils reconnaissent un principe
du bien et un autre du mal, mais sous les noms modernes
de Khouda et de Chaïtàn, qui signifient Dieu
et le diable. Ils ne sont pas circoncis, ne font pas de
prières et ne tiennent aucun aliment pour impur; ils
ne s’allient qu’entre ; eux, ce qui n’empêche pas leur
sang d’être mêlé, chose facile à comprendre en rai