
nait. Enfin elle parut énervée par l’effet du plaisir,
ses poses devinrent languissantes et défaillantes, puis
elle vint s’affaisser à nos pieds, haletante et couverte
de sueur. A cet instant, les autres danseuses s’emparèrent
d’elle et la portèrent hors de notre vue. Ce
fut alors seulement que j’examinai le Sertip : son
exaltation fébrile était portée au dernier période ;
je n’étais pas resté plus indifférent que lui devant
la scène qui venait de se passer; mais j’eus
sur moi tout l’empire nécessaire, et je rentrai dans
ma chambre assez triste et fort ennuyé de ma captivité.
J’avais déjà commencé à me déshabiller, lorsque
je vis quelque chose se mouvoir du côté de mon
lit. 0 surprise ! c’était la séduisante bayadère,
.... Dans le simple appareil
D’une beauté qu’on rie n t d’arracber au sommeil.
C’était encore une des ruses de La’l-Méhémed pour
m’arracher mon prétendu secret. Je n’avais rien à
craindre à cet égard, et, avec toute la prudence nécessaire
en pareille occasion, j’engageai la conversation
avec Zuleïka ; mais elle eut beau faire, le fameux
secret ne lui fut pas révélé.
Six jours s’étaient écoulés depuis mon arrivée, lorsque
le médecin Goulam-Kader-Khan, cumulant aussi
les fonctions d’astrologue, ayant observé dans le ciel
une constellation favorable, le Vézir-Saheb, Yar-Méhé-
med-Khan, m’envoya dire qu’il était prêt à me recevoir.
Son logis s’élevait à cent pas de celui du Sertip
et je pouvais parfaitement m’y rendre à pied;
mais cela eût été indigne du grand personnage que
j’allais visiter. Je montai donc un beau cheval turkoman,
richement caparaçonné, que le Sertip m’avait
fait préparer; puis je me mis en marche, escorté par
un peloton d’infanterie et une trentaine de farraches.
Le palàis qu’occupait le Yézir-Saheb n’avait de remarquable
que ses vastes dimensions. Aussitôt après en
avoir franchi le seuil, je pénétrai dans une grande
cour carrée, au milieu de laquelle se trouvait, pour
tout ornement, un bassin d'eau corrompue : de petites
chambres, ouvertes sur tout le pourtour intérieur,
donnaient à cet édifice l’aspect d’un caravansérail.
C’est là qu’on instruisait les serbas nouvellement enrégimentés,
sous les yeux mêmes du Vézir. Quand
j’entrai dans cette cour, elle était remplie de troupes,
d’Afghans, d’Uzbeks, de Parsivans, divisés en petits
groupes accroupis le long des murs, et devisant sur
les événements du jour; c’était là la Bourse héra-
tienne. Mon uniforme ayant attiré tous les regards,
je fus bientôt entouré par toute cette cohue qui se
porta à ma rencontre; les soldats et les farraches
s’empressèrent de former la haie sur mon passage
afin de m’empêcher d’être étouffé. Après avoir traversé
plusieurs chambres et couloirs remplis d’écrivains
et de solliciteurs, j’arrivai à la grande chambre
d’audience appelée Divan-Khanèh, qui n’avait rien de
plus remarquable que le reste du bâtiment. Yar-
Méhémed-Khan m’y attendait en petit comité. Nadjou-
Khan, Topchi-Bachi (chef de l’artillerie), le Serdar
Hussein-Khan, Hézarèh, Feïz-Méhémed-Khan, Ichik-
Aghassi (maîtres des cérémonies), YAlhar-Bachi1 (chef
1 L’Athar-Bachi a été pendant plusieurs années le serviteur le
plus fidèle et le plus recommandable du Châh-Kamràne. Le