
 
		quand je sortais suivi de mon escorte,  et j'entendais à  
 chaque  pas leurs sourdes  exclamations !—Le malheureux, 
  disait l'un, comme il  a maigri  depuis  son  arrivée! 
  —Quel dommage, disait l'autre, de mourir si jeune,  
 dans la force de l’âge ! —Les scélérats! ajoutait un troisième; 
  ils  l'ont dépouillé des dix caisses d'or qu’il a apportées  
 avec lui, et ils les ont gardées pour eux au lieu  
 de les distribuer au pauvre peuple qui en a tant besoin f !  
 —Enfin  c’élaient des  suppositions  à  n'en  pas  fiuir. 
 1  Ce  ré c it  se  rapporte  fort  avec  ce  qui  s’est  passé  pour  les  
 officiers de  notre Mission  à  Hérat.  On  nous  annonçait  à  chaque  
 instant  que Yar-Méhémed  avait  l’imention  de  nous  faire  assassiner, 
   ou  tout  au moins  de  nous je te r  en prison  dans  les  donjons  
 de  Char-Son.  Tout  nous  prouvait  que  l ’on  cherchait  à  exploiter  
 nos  craintes,  aussi,  dans  une  certaine  occasion,  les  menaces  
 furent  si  grandes  qu’il  nous  parut  nécessaire  de  faire  savoir  à  
 Yar-Méhémed  que nous n’avions pas  p eu r  de  lui,  et qu’il  y  aurait  
 danger pour  sa  tête  d ’arracher  un poil  de  la  queue du  lion. 
 J ’ai  écrit  le  nom  du  palais  du  Sertip Char-Son,  tandis  que  
 M.  F e rrie r  l’é c rit  de  la  manière  suivante  :  Tchar-Sovk,  qui  est  
 je  le crois plus  correcte.  Je dois être excusé pour ces  irrégularités  
 d’orthographe  de  la  langue  afghane,  car  le  puchtou  est  seulement  
 1111  langage  parlé. 
 Un  fait  étrange,  c’est que  le  premier  livre  de  cette  langue  
 puchtou  qui  fut pré sen té à  Châh-Kamràne  e tà  sa familleet quifut  
 vu par ses amis de Hérat ail été un Nouveau Testament que j ’avais  
 apporté  de  l’Inde  avec  moi.  Ce  volume,  publié  en  caractères  
 persans  par  les  missionnaires  de  Sérampore,  excita  un  grand  
 in té rê t  e t passa  de  main  en  main  sous  les  yeux  des  savants  du  
 pays.  Si ma mémoire me  se rt  fidèlement,  ce  livre  appartenait  à  
 Ghâh-Zadèh-Méhémed-Youssouf,  le gouverneur  de  Hérat,  à  l’é poque  
 où la Mission quitta le  pays.  Je  crois me  souvenir du moins  
 qu’il  me  l’avait  emprunté  quelque  temps  avant  et  qu’il  ne  se  
 trouva plus dans les livres  que j ’emportai avec moi.  Puis-je  espére 
 r que ce  Nouveau Testament  a  été aussi  utile  que  la traduction  
 de  l’hébreu  dont  il  a  été  question  dans  un  chapitre précédent? 
 Le Vézir-Saheb,  se berçant toujours de l'espoir que  
 j’allais renouer  ses relations avec les Anglais, ne comprenait  
 pas-l’insistance que je mettais à quitter au plus  
 vite Hérat. Cependant mes instances furent si vives et  
 méS  explications  si  nettes, qu’il finit par comprendre  
 qu’il s’était trompé sur mes intentions, et, quoiqu'il ne  
 se tînt pas pour parfaitement  satisfait  à  cet  égard,  il  
 m’accorda néanmoins l’autorisation de continuer mon  
 voyage.  Dès  ce moment,  les  domestiques  du  Sertip,  
 déçus  dans  l’espoir  qu’ils  avaient  conçu  de  me  voir  
 rester  à  Hérat  et  de  réaliser à  mes  dépens  de  gros  
 bénéfices, commencèrent à  se relâcher envers moi  de  
 la politesse etdes égards qui leur étaient recommandés.  
 Ils volèrent même la nourriture qui m’était destinée et  
 finirent par la manger  à mon nez et à ma barbe, sans 
 Après  le  siège de  Hérat, Eldred Pollfciger avait  commencé k  tr a duire  
 les  saintes Écritures  en  langage  puchtou,  mais  dès  qu’il  
 sut  que j ’avais  un  exemplaire  imprimé  de  ce  travail  fait  par  un  
 autre,  il  cessa la  version  qu’il  avait en trep rise .  J ’ajouterai  encore  
 que  j ’avais  donné  plusieurs  exemplaires  de  la  Bible  de  Martin  
 L u th e r,  en  persan  ,  à  des gens  influents  de  Hérat  e t  un  Testament  
 en  langue  turke  au  khalife  de  Merve,  dont  le  caractère  
 respectable  était fort apprécié  des Turkomans.  J ’eus avec ce dernier  
 chef des  relations  plus intimes qu’aucun  des autres  officiers  
 de  la  Mission,  car  la  p lupart  de ceux  qui  arrivaient  en kafilahs  
 de Khiva  ou de  Bokhara désiraient consulter le Ekim-Frengui, et  
 sa  pharmacie,  pour  les maladies dont ils étaient atteints  ou  pour  
 celles de leurs amis. Presque tous, avant de s’en aller, demandaient  
 b voirie Hikmntau moyen  duquel,  dans les maisons  des  pauvres,  
 on  apprenait  aux  aveugles à  travailler  comme  s’ils  y  voyaient. 
 Je   dois  avouer que  j’ai  eu  le  plus  grand  plaisir  à  lire  dans  le  
 journal  de W o lf que  l’on  s’informait  toujours  avec  bienveillance  
 fi  Merve  de  la  santé  d ’un  gentleman  que  l’on  appelait  Luggun,  
 et que le docteur Wolf p rétendait ne pas connaître du  to u t!!!—L.