
trouver grâce devant ce fonctionnaire, qui était contraint
de faire exécuter l’ordre du Châh. Tout ce qu’il
lui accorda, et cela moyennant un cadeau de 100 to-
mans (1,200 francs) qu’il exigea en argent comptant
et séance tenante, c’est que sa femme et son fils pourraient
continuer leur voyage jusqu’à Meched, et que
lui seul retournerait à Téhéran, avec des chevaux de
poste, pour satisfaire ceux qui se disaient ses créanciers.
J’appris un an plus tard que ce négociant était
un très-honnête homme, qui ne devait rien à personne.
Il n’avait point caché son départ de Téhéran,
tout le monde le connaissait, mais quelques concurrents
jaloux avaient, après son départ, produit de
fausses lettres de change pour essayer de lui faire
éprouver un désastre. Ils savaient bien, en effet,
qu’outre les 100 tomans qu’il serait obligé de donner
à Soliman-Khan, il serait encore forcé de dépenser
une somme décuple quand il arriverait à Téhéran,
pour faire admettre son innocence, quelque bien prouvée
qu’elle fût. Telle est la garantie qu’offrent les lois
en Perse ; ceux qui sont chargés de les appliquer absolvent
ou donnent toujours gain de cause à ceux qui
les payent le mieux. La justice et l’équité sont des
mots que les Persans mettent sans cesse en avant, et
dont ils ne tiennent aucun compte. Le clergé, dépositaire
de la loi religieuse, est tout aussi vénal que
les fonctionnaires civils, qui jugent d’après la loi cou-
tumière. Les faux témoignages et les faux écrits se
produisent avec une rare impudence; ils sont admis
quand on a la bourse plus ouverte que celle de
la partie contre laquelle on les fait valoir; mais,
viennent-ils à être rejetés, il n’en résulte pas autre
chose; il n’y a nulle punition, pas même une réprimande
pour les faux témoins et pour les faussaires.
Châh-Roud. — 14 mai. — 4 farsangs, cinq heures
de parcours, par une route plate, tour à tour sablonneuse
et pierreuse, longeant de très-près, sur la gauche,
les montagnes qui nous séparent du Mazendèran.
Nous voyons quelques villages sur notre droite, et un
grand nombre de daims qui s’enfuient à notre approche.
Châh-Roud renferme 900 maisons : elle a
une citadelle mal placée et un mûr d’enceinte sans
fossé. Les bazars sont couverts en chaume ; on y trouve
trois ou quatre caravansérails et quelques bains. Les
jardins qui l’entourent, comme aussi les cultures, occupent
une immense étendue et sont arrosés par une
petite rivière d’excellente eau. Châh-Roud étant situé
à moitié chemin de la route qui conduit de Téhéran
a Meched, et se trouvant le point où viennent aboutir
toutes celles du Mazendèran et du haut Khorassan,
son importance stratégique et commerciale est très-
grande. Cette ville est devenue depuis quelques années
l’entrepôt de toute espèce de marchandises, et particulièrement
des riz du Mazendèran. Il s’y fabrique des
bottes et des souliers, les plus renommés de la Perse,
pour l’élégance de la forme et la bonté du cuir. Sa
population est un mélange deMazendèraniens,de Kho-
rassaniens et de Turkomans, mais ces derniers sont
en majorité. L’air y est salubre et tempéré. Bostam,
autre localité qui se trouve à une farsang plus au nord,
est réputée pour la fertilité de son sol, la bonté de son
climat et de ses produits, l’étendue de ses jardins,