
ces diplomates eux-mêmes, lesquels sont habituellement
des ministres plénipotentiaires.
Le Mehmandar est responsable des accidents, des
pertes et du mécontentement qu’éprouve la personne
qui lui est confiée. Le Ferman royal dont il est muni
l’autorise ordinairement à se faire délivrer gratis
le sur sa t, c’est-à-dire le logis, le bois et les vivres
nécessaires à la consommation du voyageur qu’il est
chargé de protéger, et ce qui est nécessaire à sa suite :
aussi se rend-il presque toujours d’avance au gîte pour
faire préparer tout ce qui est nécessaire. Dès qu’il
arrive, il va directement chez le Ketkhoda, auquel
il s’adresse toujours avec un ton de supériorité bien
marquée; il lui communique brièvement ses ordres
pour faire réunir au plus vite les objets stipulés dans
leFerman.il s’empare ensuite de la plus belle maison
de la localité, et va de là s’asseoir à la place d’honneur,
soit dans la mosquée, soit sur la place publique,
où il est bientôt entouré par une foule d’individus
qui viennent l’assurer que leur misère les met
dans l’impossibilité de fournir le bois, le mouton, le
beurre ou le pain, etc. , ettous les articles auxquels ils
ont été taxés par le Ketkhoda. Le Mehmandar, fumant
gravement son kalioun, écoute sans mot dire toutes
les doléances, toutes les récriminations ; pour rien
au monde il ne voudrait laisser chômer son narguilé,
car c’est là une affaire grave en Perse, et à laquelle
on attache une véritable importance; mais sitôt qu’il
a aspiré la dernière bouffée de fumée, il se lève lentement
et frappe à tort et à travers sur la foule des récalcitrants,
qui se sauvent en criant et en maudissant
l’intrus dont l’arrivée les force à se dessaisir d’une
partie de leurs provisions de réserve. S’ils tardent
trop à revenir avec l’objet qu’on leur demande, le
bâton du Mehmandar recommence son exercice, et il
est rare qu’après ce deuxième avertissement, quelqu’un
se montre encore rebelle aux ordres du Ketkhoda.
Le voyageur qui arrive à la halte y trouve en
abondance des provisions de bouche, un logis bien aéi'4
si c’est pendant été, et bien'chauffé si c’est en hiver.
Comme le Ferman porte toujours une quantité de
vivres dix fois plus forte que celle qui est nécessaire à
la consommation des personnes accompagnées par un
Mehmandar, celui-ci ne perçoit que ce qui est néces-
sairfe à leurs besoins, et se fait rembourse? le reste en
argent comptant par les habitants du village, n’exigeant
d’eux qu’un peu moins de la valeur réelle des
objets qu’ils doivent lui fournir. Il réalise souvent de
cette manière de très-jolis bénéfices; aussi l’emploi
de Mehmandar est-il très-recherché en Perse, surtout
auprès des Européens, que ces gens-là trompent avec
plus de facilité que les Asiatiques, et dont la générosité
est souvent une autre source de profit.
Un Européen nouvellement arrivé en Perse s’ha-.
bitue difficilement, pendant les premiers jours, aux
discussions interminables du Mehmandar avec les villageois.
Il y met souvent un terme en interposant son
autorité et en payant comptant tout ce dont il a besoin.
Il ne s’écarterait pas ainsi de la règle, s’il savait les
inconvénients auxquels il s’expose. Le Mehmandar, ne
pouvant plus bénéficier sur les vivres perçus en nature,
puise largement dans la bourse de son protégé