
quelque peu encaissé. Nombreux villages et belles
cultures sur la route.
Le beau temps, qui m’avait favorisé depuis mon
départ de Bagdad, se gâta au moment où je sortais
d’Hamadân : le tonnerre grondait et les éclairs sillonnaient
le ciel, mais les nuages, poussés par le vent,
fuyaient devant nous et se fondirent en torrents de
pluie à cent pas en avant de la caravane, sans que
l’eau nous atteignît. Bibik-Abad est un village de
quatre cents maisons, situé au milieu d’une vaste
plaine parfaitement cultivée.
Zérèh. — 27 avril. — Marche de nuit; 5 farsangs,
7 heures et demie de route, en plaine. Chemin coupé
par de nombreuses irrigations, grand nombre de
villages et de cultures, excavations et accidents de
terrain dans lesquels les mules s’abattent à chaque
pas; la mienne tomba dans un kariz (puits) desséché et
aux trois quarts comblé. Je me serais tué, si je ne
m’étais accroché à une grosse pierre qui se trouvait
au bord de l’ouverture.
Zérèh est un petit village de deux cent-cinquante
maisons, arrosé par un ruisseau dont l’eau est très-
bonne, chose précieuse et assez rare en Perse. Je ne
connais pas de supplice plus grand que celui de voyager
la nuit et à cheval, surtout quand il est impossible de
dormir deux minutes pendant la journée, et qu’il faut
passer ainsi de cent-soixante à cent-quatre-vingts
nuits avant d’arriver au terme du voyage. Le sommeil
vous gagne d’une manière irrésistible dès qu’ar-
rive minuit, on chancelle à chaque pas et souvent
on tombe de cheval. Les chevaux de charge vous heurtent
en passant et vous blessent; quelquefois votre
monture s’abat, celles qui la suivent roulent par dessus,
et gare à celui qui est au dessous de tout cela.
Le muletier arrive, crie, jure et blasphème comme
un damné. Quand on a un bâton à la main, on lui
en frotte les épaules ; il en résulte alors une série d’événements
à la fois sérieux et comiques, qui ne manqueraient
pas d’un certain intérêt pour l’observateur
qui se tiendrait en dehors de ce tohu-bohu. Quant
à moi, je puis affirmer q ue, lorsqu’on a le malheur
d’y être mêlé, comme je le fus pendant cette
étape, les souffrances que Ton éprouve sont plus que
suffisantes pour dégoûter à tout jamais des voyages
en Asie à la suite d’une caravane.
A ces désagréments je trouvai une compensation,
qui était de n’avoir d’autres compagnons de voyage
que les muletiers, et cela m’importait d’autant plus
que je me dirigeais sur Téhéran, où j ’avais intérêt,
plus que partout ailleurs, à ne pas être reconnu;
aussi avais-je repris la chemise arabe, quittée à
Kermanchâh.
Noumràne.—28 a v r il.- # farsangs, trajet de douze
heures un quart, les trois premières en plaine, par une
route plate et facile, et le reste dans des montagnes
où le chemin, resserré, caillouteux et accidenté,
offre plus d’une difficulté. Le sol est partout aride,
sauf en arrivant près de Nouvaràne, dans une vallée
que traverse une petite rivière, sur les bords de laquelle
sont situés de nombreux villages très-bien bâtis,
dont quelques - uns sont peuplés par des chrétiens
arméniens.