—«Soit, me dit l’un d’eux, mais l’on saura bien vous
« faire retourner pour vous y conduire. » Il m’apprit
alors que Mir-Suddour, gouverneur de Balkh, dont les
revenus n’étaient pas très-considérables, s’efforçait de
les augmenter par tous les moyens possibles : dans ce
but, il faisait garder, au sud de la ville, toutes les avenues
par lesquelles arrivaient les voyageurs, afin de
leur imposer un droit de circulation pour leur propre
personne, leurs mon tures et leurs bagages. On était surtout
très-attentif à examiner ces derniers, parce que le
droit qui les frappait s’élevait plus ou moins, suivant
la nature des objets transportés. «S’il vous convient
« qu’on visite votre bagage, ajouta le Hézarèh, et qu’on
« y découvre vos livres, vos habits et autres objets eu-
« .ropéens que j’ai eu l’occasion de remarquer ces jours
« derniers, rien ne s’oppose à ce que vous marchiez
« droit devant vous; mais sachez que la découverte de
« votre nationalité vous conduira droit à Bokhara. Or,
« comme nous partagerions votre sort en vous suivant,
« nous croyons devoir vous prévenir. Si, au contraire,
« vous consentez échanger de direction et à marcher
« une demi-heure de plus, nous arriverons du côté du
« nord dans les ruines de la ville, sans être vus par qui
« que ce soit : nous avons des provisions suffisantes
« pour nous, et nos chevaux trouveront assez d’herbe
« dans les ruines pour se nourrir. Dès que nous se-
« rons suffisamment reposés, les uns et les autres,
« nous partirons pour Khoulm, dont le gouvernement
« est bien plus hospitalier que celui de Balkh. Si vous
« voulez voyager comme nous vous le conseillons,
« nous ne vous quitterons pas d’un moment, mais si
« vous persistez à votis exposer sans nécessité à des
« dangers qui pourraient nous atteindre, adieu ! et
« qui Dieu vous protège ! » Il m’était impossible de ne
pas reconnaître la justesse de ce raisonnement, et
cependant il m’en coûtait de ne pas visiter à mon
aise, ainsi que je me l’étais proposé, cette antique
cité, la mère des villes, Oummè el belad, ainsi que
l’appellent les Asiatiques.
Je me résignai donc à regret au détour proposé, qui
nous conduisit jusqu’auprès d’une immense mosquée
en ruine, où nul ne vint nous troubler. Un cours
d’eau passait au milieu de l’ancienne ville et nos chevaux
broutèrent l’herbe qui poussait abondamment
sur ses bords; quant à nous, après avoir déjeuné, nous
nous endormîmes, afin de nous préparer par un peude
repos à franchir pendant la nuit les 10 farsangs qui
nous séparaient de Khoulm. Vers le soir seulement je
me hasardai à visiter une partie des ruines qui nous environnaient;
elles proviennent d’édifices bâtis par égales
parties de briques cuites et crues, les premières
ayant des proportions peu communes : j’en relevai
de vingt deux pouces de long sur'seize de large. Sur
quelques-unes, dont le grain est excessivement fin,
et dont la dureté doit presque égaler celle dé la pierre,
je remarquai certains caractères cunéiformes ‘, mais
1 D’autl'es voyageurs avaient déjà remarqué avant M. Fe rrie r
l’existence d eb riq u e srev ê tu e s decaractères cunéiformes dans lés
ruines de Balkh. Ces vestiges d’un temps passé offrent du resteu n
très-grand intérêt, car ce sont les seu lsd e ce genre que l’on trouve
à une aussi grande distance dans l’Orient. Sir Henri Rawlinson
est d’avis que ces constructions on t été faites par les Kuchàns
une race de Scythes célèbres qui occupaient Balkh à pne époque