
viens de parler. Il était bâti en l’honneür d'nne princesse
moghole et se composait d’un seul bloc de marbré
de six pieds et demi de long sur un et demi de
large et deux de hauteur. Une infinité de fleurs, entrelacées
avec beaucoup d’art et d’une composition
excessivement compliquée, avaient été sculptées sur
trois de ses faces, mais fouillées à une si grande profondeur
et avec tant de délicatesse, que j’avais peine
à m’imaginer comment le ciseau avait pu opérer
un pareil travail. Je n’ai rien vu nulle part qui fût
d’une exécution plus difficile et aussi bien réussie. Jamais
l ’art de la sculpture ne s’est élevé à un tel degré
de perfection chez les peuples de l’Asie centrale; aussi
n’est-ce point à eux qu’il faut attribuer ces travaux.
Tiinour-Leng a pris soin de nous en révéler les auteurs;
ainsi on lit dans ses Insliluls (édition de 1787, page
103) : «Des ouvriers épargnés dans le sac de Damas,
et qu’on avait amenés exprès, eurent ordre de bâtir
un palais à Samarcande ; ils l’exécutèrent avec beaucoup
d’intelligence. » Je pense que ce sont les mêmes
ouvriers arabes qui ciselèrent les admirables tombes
que l’on voit encore aujourd’hui à Hérat. A la mort
de Timour, plusieurs d’entre eux furent sans doute
attirés dans cette ville par son filsChàh-Rokh, célèbre
par son penchant très-prononcé pour la construction.
Toutes les autres tombes de Kazerguiah sont faites
avec du très-beau marbre blanc, tiré des carrières du
district d’Obèh, situé à quelques farsangs à l’est de Hérat.
On voit autour de la mosquée un grand nombre de
bâtiments en ruines. Dans l’un d’eux, mieux conservé
que les autres, et qui sert encore de nos jours
de pied-à-terre aux souverains du Hérat, quand ils vont
visiter ce saint lieu ; les murs et la coupole de la
chambre principale sont intérieurement recouverts
de dessins en or, sur fond d’azur, d’une délicatesse
et d’une perfection qui feraient honneur à l’artiste
le plus renommé de nos jours. Ce travail est dû
au pinceau d’un peintre italien que Châh-Abbas le
Grand avait attaché à son service. Son nom est inscrit
dans l ’angle du mur : il se nommait Géraldi. Yar-Mé-
hémed-Khan a détourné les eaux qui descendent en
abondance d’une gorge voisine pour les faire passer
à Kazerguiah1 ; elles sont d’une fraîcheur et d’une limpidité
que rien n’égale. On voit aussi là quelques pins
séculaires, respectés par les hommes et par le temps ;,
malheureusement tout y dépérit faute d’être réparé,
et les ruines s’augmenteront bientôt de ce qui reste
debout.
En se rapprochant de Hérat, du côté du nord-ouest,
vers la route qui conduit à Meched, 011 voit dans le
1 C’est le major Todd et le s officiers anglais, plutôt que
Yar-Méliémed, auxquels on est redevable du bien produit par
l’otiverture du canal de Kazerguiab. Le Vézir était, il est
vrai, tout disposé à p erm ettre l’ouverture de ce canal, mais
il songeait plus encore à se faire avancer de l’argent pour
payer .ses serbas, e t à élever ses fortifications, qu’à laisser
dépenser des fonds pour to u t autre motif. J ’ai assisté à l’ouverture
d’un canal destiné à fournir des eaux au jardin de Kazerguiah.
Cbâh-Kamràne était venu à cheval, suivi d ’une escorte,
pour visiter les travaux ou plutôt, comme il me le disait
trè s-p o lim en t, pour me les m o n tre r, et je me rappelle
très-bien que j ’entendis autour de moi tous ceux qui se trouvaient
là exprimer l’obligation qu’ils avaient aux Doolet
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