
n’embrasse plus aujourd’hui que cinq districts, est
fixé pour l’impôt à 60,000 tomans, 750,000 fr., et pour
la douane à 13,000 tomans, 162,500 fr.
Je me séparai à Kermanchâh de la caravane qui
m’avait amené de Bagdad. La princesse Fakhret-
Dooulet se rendit à Sennah, près l’une de ses soeurs,
et les autres' pèlerins prirent chacun la direction qui
devait les conduire chez eux. Mon ami le Mollah Ali se
sépara de moi, au plus grand avantage de mes provisions
d’eau-de-vie et de charcuterie. Cependant, je ne
pus m’empêcher de regretter ce caractère enjoué, cet
esprit satirique et railleur qui le rendaient indispensable,
une fois qu’on l’avait connu. Il prit la route
de Bouroudjird, sa patrie, et depuis je ne l’ai plus
revu.—Dès que j’arrivai au caravansérail, je trouvai
une caravane prête à partir pour Hamadân, je me
hâtai de louer des mulets, à raison de cinq saheb-
krans1 l’un, (six francs); puis, comme il était encore de
très-bonne heure, j’enfourchai un cheval de poste, qui
en une demie-heure me porta à une farsang et demie
de la ville, à Takht-el-Bostane, où l’on trouve de magnifiques
bas-reliefs. C’est un monument grandiose et
digne d’être visité, mais plusieurs auteurs, entre autres
sir John Malcolm, en ont donné une description tellement
savante et détaillée, que je décline ma compétence
en fait de pareils travaux : je me bornerai à renvoyer
à l’ouvrage de l’historien que je viens de citer
ceux qui auraient envie de se faire une idée exacte des
1 Un sahebkran vaut environ un franc vingt-cinq centimes
de France, ou un shilling anglais.
sculptures de Takht-el-Bostane. 11 est bon d’indiquer
seulement qu’elles furent faites par Tordre de Baha-
ram IV (le Varanos IV de l’histoire romaine), qui
vivait au commencement du ve siècle, et qui fut, dit-
on, le fondateur de Kermanchâh.
Je séjournai le 12 avril à Kermanchâh, et je fus
atteint, dès le matin, de coliques très-fortes, suivies
dune dvssenteri• e qui• rm e ré/ duisit, en moins d’une
heure, à une faiblesse telle qu’il m’était impossible
de me tenir debout. J’attribuai cette indisposition
à deux tablettes de manne que j’avais mangées la
veille, mais je sus plus tard, de la manière la
plus certaine, que ces fâcheux symptômes étaient le
résultat d’un poison, heureusement assez bénin, que
ce scélérat d’Ivan avait mêlé à mes aliments. Je n’avais
échappé à la mort que parce que la dose absorbée
était trop faible. Ce poison était le produit d’une
espèce de gramen d’un blanc cendré et sans saveur,
qui se récolte dans les montagnes du Kurdistan ; ses
feuilles, séchées au soleil et réduites en poudre, ne
donnent aucun goût étranger aux substances auxquelles
on les mêle, et ses effets ne sont pas très-douloureux.
Pris à une très-petite dose, il donne la
mort instantanément aux gens d’un tempérament
lymphatique : chez les autres, il détermine d’abord
de légères coliques, auxquelles succède une faiblesse
excessive, qui va en augmentant graduellement. On
finit par s’éteindre comme la flamme d’une lampe
qui manque d’huile. Quelquefois l’agonie se prblonge
plusieurs années. Dans les harems, les femmes se