
m’a-t-on dit, pour conjurer l’orage, à reconnaître la
suzeraineté de ce prince. Deux heures après avoir traversé
le Héri-Roud, nous entrâmes dans le Kouh-Siah,
au sommet duquel nous arrivâmes sans difficulté,
après deux heures d’ascension. Nous le redescendîmes
dans le lit d’un torrent dont les eaux se précipitaient
parfois en cascades du plus bel effet. Peu à peu, en
avançant, la descente devint difficile, et nous ne fîmes
plus un pas sans prendre les plus grandes précautions.
Dans un certain endroit, la montagne, interrompant
brusquement son inclinaison, descendait à pic et
comme un mur dans une gorge où roulait avec fracas
un torrent fougueux. La route, d’abord creusée par la
main des hommes dans les parois du roc et ensuite façonnée
par le passage continuel des voyageurs, avait
juste la largeur nécessaire pour laisser passer une bête
de somme. En regardant dans le fond du gouffre, on
était pris de vertige, et je me réjouissais déjà d’avoir
heureusement franchi ce passage, lorsqu’en débouchant
d’un bas-fond nous vîmes quelques cavaliers
qui se dirigeaient sur nous, en lançant leurs chevaux
à toute vitesse. Par bonheur ils n’étaient encore
qu’à mi-chemin d’une colline dont nous étions séparés
par une petite vallée. Nos montures étaient excellentes,
et cescavaliers firent de vains efforts pour nous
rejoindre. Avant même d’être arrivés à portée de fusil,
nous étions entrés à Kouhislani-Baba, campement
dé nomades Hézarèhs, placé sur un plateau élevé couvert
de prairies, au milieu du Kouh-Siah. Agha-Ali,
chef du campement, nous reçut sous sa tente : il nous
traita fort bien et agit avec une discrétion que j’aurais
été bien aise de trouver chez tous ceux qui étaient
chargés de nous héberger. Je crois n’avoir entendu
que quatre mots sortir de sa bouche: Bonjour, quand
nous arrivâmes; c’est bien, quand il eut lu la lettre du
Khan de Dooulet-Yar, et adieu, lorsque nous prîmes
congé de lui. Par compensation, Agha-Ali fuma
tout le temps sans désemparer le tchilim (pipe à eau);
le glouglou de cette pipe fut la dernière chose que
j ’entendis en m’endormant et la première en me réveillant.
Kouliistani-Baba était soumis au Khan, gouverneur
du district d’Agha-Rédjeb.
Déria-Dèrrè, aussi appelé Dèrrè-Moustapha-Khan.
—15 juillet. — 13 farsangs démarché. Il nous fallut
trois heures pour sortir du Kouh-Siah, au pied
duquel nous trouvâmes un gros campement de
Mongols chez lesquels nous changeâmes de chevaux.
Nous marchâmes ensuite cinq autres heures dans une
plaine entrecoupée de collines i l habitée par des nomades
appartenant à la tribu eïmake des Téhimounis.
Le sol de cette plaine est presque tout composé de
prairies ou de steppes, mais peu boisé. Pendant les
deux dernières heures nous cheminâmes à travers
une nouvelle chaîne de montagnes médiocrement
hautes. Arrivés au sommet, nous ne pûmes retenir
un cri de surprise en voyant le ravissant
paysage qui se déroulait à nos pieds : un lac de 2
farsangs de circonférence aux eaux d’azur et d’une
clarté transparente occupait le fond d’une petite
vallée oblongue, parfaitement close de montagnes,
de manière à n’offrir aucune issue pour l’écoulement
du trop-plein de ce vaste réservoir, qui disparaît