parlait aussi de leur alliance avec le Wali de Khoulm,
et jamais l’Émir de Bokhara n’avait couru un plus
grand danger. J’appris cependant plus tard qu’après
quelques combats tout s’était arrangé, et que chacun
s’était retiré chez soi.
En sortant des ruines, nous traversâmes des champs
cultivés à travers lesquels nous cheminâmes pendant
une heure avant de regagner la grande route. Ces
champs étaient coupés par de larges courants d’eau
que nous eûmes beaucoup de difficulté à traverser
dans l’obscurité; j’en comptai plus de vingt, dérivant
tous de la rivière Dehas ou Balkh-Souï, à laquelle ort
a fait des saignées à plusieurs farsangs au-dessus de la
ville, dans le but d'arroser la plaine. Les cultures se
prolongent depuis Balkh jusqu’à Mazar, et même au
delà, sans interruption.
Mazar. 5juillet.—2 farsangs démarché en plaine.
Village enclos de murailles contenant deux cents maisons
au plus, maison trouve tout autour et dans les environs
quelques milliers de tentes de nomadesUzbeks et
Eimaks; les Afghans habitent le village ou des huttes
placées en dehors du mur d’enceinte. Ichàne-Choudjà-
Eddin est gouverneur indépendant de cette localité;
néanmoins il montre beaucoup de déférence aux chefs
de Khoulm et de Balkh et n’obéirait pas mieux à leurs
ordres s’il était leur vassal. Il entretient seulement
deux cent cinquante cavaliers, et cependant au besoin
il pourrait en armer mille.
La mosquée de Mazar 1 est en grande vénération
Mazar en langue persane signifie un endroit où se rendent
parmi les musulmans? surtout parmi ceux de la secte
des Chiàs. On assure à ce sujet qu’un certain prince
tartare reçut en songe la révélation qu’Ali, gendre de
Mohammed, y était enterré. Il est à peu près prouvé
que la tombe de ce Khalife est à Nedjef, près de Bagdad,
mais les Chiàs ne s’arrêtent pas devant une semblable
bagatelle, le pouvoir d’Ali va bien à leurs yeux
jusqu’à pouvoir multiplier sa dépouille mortelle:
d’ailleurs on lésait, il n’v a que ta foi qui sauve ! Cette
mosquée a été construite par le prince timouride Ali-
Châh de Hérat: elle renferme le tombeau de Châh-Mur-
dàne‘ et possède de grands revenus provenant de legs
pieux et d’offrandes journalières des pèlerins. Tout
cela est employé à nourrir une foule de pauvres qui
se rendent sur ce point de tous les Khanals de l’Asie
centrale pour vivre aux dépens d’Ali. Nous ne nous
arrêtâmes qu’une heure à Mazar près d’un caravansérail.
De là, on peut gagner la ville de Bamian sans
passer par Khoulm et Heïbak, en se dirigeant sur
Tach-Gourgàne, petite ville située au sud et à 7 farsangs
de Mazar, et dépendant du gouvernement de
Khoulm ; cette route est aussi plus courte pour arriver
à Kaboul, mais il est presque impossible à un étranger
de s’y aventurer sans s’exposer à être dépouillé, c’est
pour cela qu’on préfère toujours la route de Khoulm,
les p è le rin s; un lieu sainl; e t c’est pour cela qu’on a ainsi nommé
la ville où se troüve la célèbre mosquée dont il est ici question
.—Ed.
1 Châh-Murdàne , autrement dit le Roi des hommes, est le
titre généralement donné à Ali dans le Korassan , et particulièrement
à Mazar. — Ed.