
depuis leur milieu jusqu’à la pointe, et resplendissent
au soleil avec un éclat splendide. Les Mechédiens m’ont
assuré que le tombeau du Kalife Haroun-el-Rechid
était placé à côté de celui de l’Iman Réza ; mais il eut
été imprudent de ma part d’aller vérifier le fait. Je me
contentai de circuler dans la première partie de l’édifice,
la seconde étant réservée aux pieux musulmans,
qui n’y laissent pas pénétrer ceux qu’ils considèrent
comme des impurs. 11 y a une douzaine d’années> cependant,
un Indien , sectateur de Vishnou, attiré
par la curiosité, pénétra dans le sanctuaire, au grand
scandale des Persans, qui s’étaient déjà saisis de lui
pour l’assommer, quand il demanda à s’expliquer en
présence du Mutévelli (administrateur), se targuant de
sa qualité de sujet anglais. Ce titre respecté produisit
son effet, et l’on voulut bien entendre sa justification.
« Vous me faites un crime, leur dit-il, d’être entré
« dans ce lieu, parce que vous me tenez pour impur.
« Que signifie un pareil raisonnement? Dieu s’est-il
« servi de deux poussières pour créer les hommes ? Je
« n’en crois rien; nous sommes tous pétris de même
« matière, et, si vous croyez le contraire, je puis vous
« prouver que vous avez tort. Que l’un de vous se coupe
« le petit doigt, j’en ferai autant de mon côté. S’il sort
« du lait de ma blessure et du sang de celle du mu-
« sulman, vous aurez raison : alors tuez-moi. Mais, si
« c’est du sang qui coule de mon doigt, pourquoi vou-
« driez-vous que le vôtre soit plus pur que le mien? »
Personne ne voulut se prêter à l’épreuve que proposait
notre Indien, et il put se retirer tranquillement
sans être inquiété. A vrai dire, il serait imprudent de
prendre sa bonne fortune pour exemple : ce qu’il y a
de plus sage à faire, pour celui qui n’est pas musulman,
c’est de s’abstenir d’aller saluer l’Iman Réza.1
La mosquée de Meched possède une immense quantité
de waquefs ou legs pieux, dont elle tire de grands
revenus, sur lesquels on prélève journellement une
certaine somme pour nourrir les pauvres et les pèlerins
nécessiteux qui viennent se sustenter là gratis.
Les administrateurs de ces revenus prêtent aussi sur
gages, à raison de 25 pour cent.
Quand je passai à Meched, on y parlait beaucoup du
voyage que venait de faire le révérend docteur Wolf
à Bokhara, pour y délivrer le colonel Stoddart et le
capitaine Conolly, assassinés par l’Émir de cette ville
deux ans auparavant. Je n’entrerai pas ici dans les
1 La position ordinaire des Hindous, relativement à leu r caste
et à leur pureté eu égard à celle de leurs maîtres ch ré tien s, a
changé tout à fait dans l’Afghanistan. A Hérat, et généralement
au delà de l ’Indus, les chrétiens, qui passaient pour les hommes
des livres saints, étaient admis à la table des musulmans, à la
condition de ne pas manger d’une nourriture défendue. On nous
demandait souvent pourquoi nous permettions à des kafirs aussi
malpropres que les Hindous d’entrer aussi librement qu’ils le
faisaient dans nos maisons.
Pendant notre voyage de Kandahar à Kaboul, nous rencontrâmes
quelques cavaliers faisant partie de nos régiments de
cavalerie irrégulière ; nos domestiques afghans e t parsivans,
dans le but de montrer leur hospitalité, leur offrirent une pipe
qui avait été fumée par le major Todd. Les musulmans hindous
leur demandèrent si leu r intention était de les insulter en leur
mettant entre les mains un kalioun qui avait élé fumé par un
kafir. Sur cela, nos gens répliquèrent que les vrais kafirs étaient
les musulmans de l’Inde. Une bataille eût eu lieu si nous n’étions
pas accourus pour mettre le holà. — L.
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