
Ces animaux fuient au moindre bruit, et avec une vitesse
dont on les croirait difficilement capables ; un
seul chasseur a de la peine à s’emparer d’eux quand ils
ne sont que blessés, car ils ruent, mordent et opposent
une résistance incroyable. Leur chair est plus
délicate que celle du boeuf d’Asie, et les Afghans en
sont très-friands. On trouve aussi dans ces plaines
toutes les variétés de perdrix, sans en excepter le
francolin. Quelques tigres royaux s’y montrent encore
de loin en loin, mais la panthère, l’hyène, le sanglier,
le loup, le chacal et le renard y sont très-communs.
Kussan.—4 juin.— 5 farsangs, neuf heures de marche
en plaine, par une route unie et facile. — Après
avoir franchi les trois premières farsangs, on arrive à
Kiaffir-Kalèh (la forteresse de l’infidèle,) fort en ruine,
situé sur une éminence très-élevée de terres rapportées;
à côté de ce fort, on en trouve un autre plus récemment
construit, mais également abandonné. Tout
auprès est un caravansérail-châh, à moitié ruiné, l’un
des plus beaux qu’il y ait en Perse. On voyait autrefois
des monuments semblables, de deux en deux farsangs,
sur la route de Meched à Hérat, mais la plupart
ont disparu, et leurs fondations seules sont visibles.
Kiaffir-Kalèh rappelle deux événements mémorables :
la destruction par le froid, en \ 752, de l’armée d’Ah-
med-Châh Sudozéhi, et la bataille livrée, il y a trente
ans, par Hassan-Ali-Mirza, gouverneur général du
Khorassan et fils de Feth-Ali, Châh de Perse, contre
Fethi-Khan, grand vézir du Châh-Mahmoud, roi des
Afghans. Je m’abstiendrai de relater ici ces deux événements,
dont on trouvera les détails dans les Documents
destinés à servir à l’histoire des Afghans.
Kussan, premier gîte dans le Hérat, est situé à deux
farsangs ¿au delà de Kiaffir-Kalèh. Nous campâmes à
quinze minutes de cette forteresse, sur les bords de
la rivière Héri-Roud, la seule à laquelle on puisse
donner le nom de rivière parmi les ruisseaux que je
venais de traverser depuis Kermanchâh. Les eaux
claires et limpides du Héri sont apéritives et de
bon goût, mais très-peu poissonneuses. Le cours de
cette rivière n’est pas toujours bien indiqué sur les
cartes. Le Héri-Roud qui remonte jusqu’au centre de
la Paropamisade, à plusieurs lieues au-dessus de Ser-
Djinguel, est d’abord très - considérable , il s’augmente
jusqu’à Obèh de nombreux torrents, tous descendant
des montagnes qui le bordent au nord et au
sud. A partir de là , il va toujours en diminuant,
par l’effet des coupures pratiquées dans ses berges,
pour en tirer l’eau nécessaire aux irrigations des
cultures et des prairies. Après avoir dépassé Hérat, ce
courant d’eau reçoit encore divers ruisseaux assez
considérables; au-dessous de Kussan, en entrant sur le
territoire persan, il se divise en deux branches, dont
la plus faible va du côté de Meched ; l’autre, quatre
fois plus considérable que celle-ci, coule sans aucune
utilité jusqu’auprès de Ser-Akhs, où elle se perd dans
les steppes. Les plaines que le Héri traverse et qu’il
pourrait arroser sont loin d’être stériles, mais tous
ceux qui essayent de s’y établir sont enlevés par les
Turkomans ou les Hézarèhs ; il s’ensuit que le pays
est devenu désert. Les habitants de ces contrées m’ont