
comme un Dieu. Ils mangent du porc , boivent des
liqueurs fermentées, ne font pas de prières et ne jeûnent
point, même pendant le Ramazan. On assure
qu’ils ont des moeurs cruelles et sauvages. Toujours
en révolte contre l’autorité du Châh de Perse, on
ne peut guère les soumettre qu’en transigeant, mais
jamais par la force, parce que dans ce dernier cas, ils
abandonnent leurs demeures e t'se cachent dans les
montagnes, où il est impossible à une armée persane
de les suivre. Du reste l’impôt qu’on prélève sur eux,
bien que leur localité soit riche et très-productive, est
presque insignifiant. Il fut réduit au commencement
de 1842, par suite d’une révolte pareille à celle des Vêpres
siciliennes, et ce fait causa la plus grande sensation
à Téhéran, où je me trouvais, quand la nouvelle
y arriva. Voilà ce qu’on disait alors sur cette affaire.
Un jeune homme de Kérend avait décidé une jeune
fille d’une localité voisine à fuir le toit paternel et à
le suivre dans sa demeure : il refusa ensuite de se soumettre
à l’usage qui l ’astreignait à payer une indemnité
au père de sa compagne, pour obtenir cession de
ses droits sur elle. Il s’ensuivit une plainte adressée à
Hadji-Khan cheki (gouverneur) de Kermanchâh, tribu
du Chirvan, qui envoya quelques uns de ses f arraches
(préposés de la force publique) pour percevoir l’indemnité
due par le délinquant. Mais les habitants de
Kérend, prenant parti pour leur compatriote, battirent
le s moeurs religieuses de ces sectaires fussent moins corrompues.
Amaria, où se manifesta pour la première fois le faux Messie
David Elias, se trouvait indubitablement dans le district d’Hol-
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et chassèrent de leur village les envoyés du gouverneur.
Une deuxième expédition de farraches, plus
nombreuse que la première, ne fut pas mieux traitée.
Hadji-Khan se décida alors à marcher, à la tête, de
cinq cents hommes et de quatre pièces de canon, contre
les récalcitrants afin de les punir et de les forcer à
payer l’impôt arriéré de plusieurs années. Comme on
était au coeur de l’hiver, les Kérendiens ne pouvaient
sans danger d’être gelés, profiter de leurs retraites
habituelles; aussi adoptèrent-ils un autre système. Dès
que le gouverneur approcha de leur village, ils se portèrent
en masse à sa rencontre, demandèrent grâce et
promirent, à cette condition, de payer une somme
triple de celle qu’il exigeait d’eux. Le gouverneur,
satisfait de voir cette affaire arrangée sans effusion
de sang, pardonna et s’en alla loger avec dix de ses
serviteurs seulement, dans la plus belle maison de Kérend.
Ses soldats et ses gens furent disséminés chez les
habitants du village qui s’empressèrent de fournir à
tous leurs besoins ; fatigués par la marche rude et
pénible qu’ils avaient faite à travers les neiges pendant
la journée, les soldats persans furent bientôt ensevelis
dans un profond sommeil. A minuit le bruit d’un coup
de fusil se fit entendre : c’était le signal convenu entre
lesKérendienspourse précipiter sur leurshôles,qu’ils
égorgèrent sans pitié. Le gouverneur n’était point
encore couché en ce moment, il eut le temps de se
barricader dans la maison où il logeait, avant que les
rebelles eussent pu y pénétrer. Il résista pendant dix
heures à toutes les attaques; ses gens ne tiraient qu’à
coup sûr et chaque fois qu’ils déchargeaient leurs ar