
donner 1 alarme aux villages voisins. En se débarrassant
d'un prisonnier, ils ne pensent donc faire qu’un
acte de prévoyance, et pour être plus sûrs qu’il ne leur
échappera pas, ils réduisent, même dans leur aoûl,
sa nourriture à la plus modique ration, afin qu’il ne
conserve jamais assez de forces pour pouvoir espérer
la réussite d’une évasion.
Par suite de 1 accord qui règne entre les Turkomans
et les chefs kurdes, chargés par le Châh de Perse de
la garde de la frontière, ces bandits ne sont guère inquiétés
pendant leurs courses. Il arrive cependant
que les villageois qui ont le plus à souffrir de leur
part, et qui ont aussi leurs espions, étant prévenus à
temps de leur arrivée, se réunissent en armes et, vont
les attendre au passage d’un défilé où ils les exterminent
sans pitié. Malheureusement ces représailles
sont trop rares et ne se multiplieraient que si ceux
qui les exécutent étaient mieux secondés par les
agents du gouvernement.
Malgré l’audace que montrent les Turkomans en
s’aventurant jusqu’à 60 et 80 farsangs dans l’intérieur
de la Perse, en se glissant inaperçus entre les villages, il
est impossible, quand on les a vus combattre, d’avoir
une haute idée de leur bravoure. Ce sont des gens qui
croient à 1 infaillibilité du destin : ils s’exposeront
à une mort qu’ils ne verront point en face, mais
fait-on bonne contenance devant leurs attaques, entendent
ils les balles siffler à leurs oreilles, ils ne
tiennent pas deux minutes et fuient à toutes jambes.
Ils n’attaquent jamais une caravane que lorsqu’ils
sont en nombre très-supérieur, et que leurs adversaires
paraissent disposés à faiblir. Dès qu’il y a la
moindre apparence de résistance, ils se gardent bien
d’aller sur elle à fond de train; ils s’avancent en
tâtonnant, poussent des hourras, et finissent par battre
en retraite quand la capture qu’ils convoitent les expose
à éprouver quelques pertes d’hommes. Les Turkomans
seront toujours d’excellents pillards, mais jamais
de braves soldats. Il y a cependant des chefs qui,
pour maintenir leur réputation de bravoure, et pour
n’avoir pas la honte de retourner les mains vides à
l ’aoûl, ce qui les exposerait à la risée des vieillards et
aux reproches de leurs femmes, lesquelles, dans ce cas,
leur présentent des jupons, insistent pour que leurs
gens, habituellement dégoûtés par le mauvais succès
d’une première charge, en tentent de nouvelles ; mais
ils ne réussissent pas toujours à se faire obéir. Dans
tous les cas, rien ne saurait décider un Turkoman à
charger plus de trois fois ; s’il échoue, il rentre dans
ses foyers, bien convaincu que la Providence est
contre lui, puisqu’il n ’a pas réussi dans ces trois tentatives.
Les membres d’une même famille qui ont
perdu un des leurs dans la première ou la deuxième
attaque sont libres de ne pas participer aux suivantes
et conservent cependant tous leurs droits au partage
du butin, qui se fait au retour de la bande dans l’aoûl.
Ils s’en défont auprès des spéculateurs uzbeks qui les
visitent trois ou quatre fois par an. Un enfant au-
dessus de dix ans s’achète 40 tomans; 30 un homme
de vingt-cinq ans, et 20 un homme de quarante-cinq
ans.
Les Turkomans occupent les contrées comprises