
ressentais, me remettre en route dès le lendemain; mais
le Khan ne le permit pas, et insista pour que je restasse
une journée de plus sous son toit. Du reste, il
avait une dizaine de lettres à faire écrire pour mon
usage, et cela ne pouvait être fait pendant la nuit.
Conformément à ses avis, je me déterminai à me
débarrasser des chevaux que j’avais achetés à Meï-
mana; les deux Hézarèhs, mes compagnons de
voyage, se décidèrent au meme sacrifice, et pour compenser
ce qu’il avait de pénible pour eux, je leur
abandonnai le prix de la vente des trois qui m’appartenaient:
j’eus ainsi le plaisir de les voir complètement
satisfaits. « Le pays que vous allez traverser ,
« nous dit Mahmoud-Khan , abonde plus en espèce
« chevaline qu’en espèce humaine, et, avec les let-
« très de recommandation que je vous remettrai,
« eussiez-vous besoin de vingt chevaux dans chacun
« des campements que vous avez à traverser d’ici à la
« forteresse de Lar, où réside Hassan-Khan, ben-Zoh-
« rab, vous les trouveriez en dix minutes, et il ne
« vous en coûtera pas un poul (environ d centime).
« Ces^ayipements sont tous très-rapprochés les uns
« des autres, vous aurez donc toujours des montures
« vigoureuses et souvent renouvelées, et vous pourrez
« faire jusqu’à 20 farsangs par jour si vous le voulez :
« rien ne viendra arrêter votre marche. Seulement, il
« est indispensable que vous cachiez votre nationalité
« de Frengui, non pas parce que vos compatriotes
« sont détestés dans cette contrée, où ils n’ont jamais
« fait de mal à personne, mais parce qu’on les y croit
« de grands alchimistes qui ont découvert la pierre
« philosophale, et qu’on pourrait croire que votre chair
« même est de l’or. Dites partout que \ous etes Un
« Persan à mon service, ainsi que cela sera écrit dans
« les lettres que je vous remettrai, et assurez ceux qui
« vous interrogeront que j e vous envoie à Lar pour con-
a férer de quelques affaires avec Hassan-Khan. Soyez
« sûr que vous arriverez sain et sauf, et si vous voulez
« m’en croire, vous n’irez pas à Kandahar, dont les Ser-
« dars sont-de mauvaises gens. Avec l’aide d’Hassan-
« Khan et en continuant à marcher aussi rapidement
« que vous l’avez fait jusqu’ici, vous pourrez aller en
« cinq jours de Lar à Kaboul. Vous abrégerez ainsi
« votre route et éviterez de donner des soupçons au
« chef des Hézarèhs, qui est au plus mal avec celui de
« Kandahar. Il ne manquerait certainement pas d’en
« concevoir si vous insistiez pour aller dans cette ville
« après avoir traversé son pays, que les Afghans ne
« connaissent que très-imparfaitement. Je lui écris
« que vous êtes un marchand de Meched, ainsi com-
« portez-vous avec lui en conséquence. »
Il était impossible de prendre des mesures plus
bienveillantes pour assurer ma sécurité et j’en témoignai
de suite ma reconnaissance au Khan en lui faisant
présent d’une belle paire de pistolets. Si le proverbe
qui dit que les petits présents entretiennent l’amitié
est vrai en Europe, il ne trouve nulle autre part
aussi bien qu’en Asie son application. Mahmoud-Khan
n’avait jamais vu d'armes semblables; il les caressait
comme un objet animé, chéri, et je l’avais rendu le
plus heureux des hommes.
Je me reposai le 10 dans la forteresse de Ser-Peul, et