
trahir son cousin, Ibrahim-Khan, pour se rendre Yar-
Méhémed favorable, s’il eût occupé un pays plus praticable,
il aurait pu avoir à regretter sa complaisance;
mais les obstacles naturels qui s’opposaient à l’envahissement
de ses montagnes arides le mettaient, pour
le moment, à l’abri de tout danger du côté d’Ibrahim.
Au reste, il faisait tout pour le prévenir, et je l’entendis
déclarer à Osman-Khan qu’il se reconnaissait le
vassal du Vézir-Saheb et qu’il lui payerait tribut à l’avenir.
Il est facile de comprendre tout ce que ma présence
à Déria-Dèrrè excitait de soupçons dans l’esprit de
Moustapha-Khan et d’Osman-Khan. Ce dernier, qui
n’était pas dans tous les secrets de son maître le Vézir-
Saheb, ne pouvait savoir si ses doutes étaient ouï ou
non dissipés à mon égard. Il m’avait vu prisonnier à
Hérat, jurant par tout ce qu’il y a de plus sacré que
je me rendais à Lahor; on m’avait cru à la fin sur
parole, et je m’étais dirigé par le Turkestan, sur Kaboul,
ou je ne m’étais pas rendu; et puis, je tombais
tout à coup à Déria-Dèrrè, l ’on m’annonçait à Moustapha
Khan comme un Persan au service du Khan
de Ser-Peul qui se rendait chez Hassan-Khan, ben-
Zohrab, l’ennemi du Vézir-Saheb. J’eus beau dire
la vérité sur les motifs qui m’avaient fait changer
la direction de mon voyage et prendre une qualité qui
n’était pas la mienne, ces messieurs ne voulurent rien
entendre et me prévinrent qu’ils ne pouvaient me
laisser aller machiner quelque intrigue contre le chef
du Hérat avec celui des Hézarèhs Poueht-Kouhs. Ils
me déclarèrent en outre que, dès le lendemain, ils me
feraient conduire au camp du Serdar Habib-Ullah-
Kban, avec lequel j’aurais à m’expliquer sur ma présence
dans une contrée où les Européens n’avaient
rien à faire et où le Vézir-Saheb ne m’avait pas autorisé
à passer. A tout prendre, c’était peut-être le moyen
de me tirer au plus vite d’embarras, et je déclarai à
mon hôte que je ne demandais pâs mieux que de me
rendre chez le Serdar. J’avais réfléchi que de Zerni,
où il se trouvait, je pouvais, en marchant avec la
même célérité que j’avais déployée jusque-là, gagner
en cinq jours Kandahar en passant par Zémindavar; il
ne devait donc en résulter qu’un petit retard dans
mon voyage. L’espoir qu’il en serait ainsi me consola;
mais, hélas ! j ’étais encore loin de prévoir les
dangers qui se préparaient pour moi !
FIN DU PREMIER VOLUME.