
vant au haut de la montagne, dont la route est alors
unie et facile; sur le versant opposé, on rencontre
quelques massifs d’arbres, et les broussailles y servent
de retraite à un grand nombre de perdrix rouges. Au
pied de cette montagne, je remarquai pour la première
fois dans l’Asie centrale quelques bouquets de lauriers-
roses1, croissant le long des ruisseaux. De là jusqu’à
Ser-Peul,la route longe une plaine parfois légèrement
ondulée ; elle ne commence à être peuplée qu’à 2
farsangs de cette ville ; mais à compter de cet endroit
les tentes y sont nombreuses et les troupeaux aussi.
Nous eûmes bien de la peine à arriver à cette ville, tant
le cheval que montait mon domestique et celui d’un
des Hézarèhs étaient fatigués. Du reste, les malheureuses
bêtes, indistinctement, n’avaient plus que la peau
sur les os, et se ressentaient furieusement de la course
rapide et forcée qu’elles venaient de faire; s’il eût
fallu marcher un jour de plus, elles en eussent été
incapables, et noùs fussions restés en chemin.
Ser-Peul est une agglomération de maisons bâties
sans régularité, sur le pourtour incliné d’une éminence
surmontée d’une forteresse où réside le gouverneur,
Une infinité de tentes se groupent alentour,
et tout cela peut contenir, les maisons comprises,
une population de quinze à dix-huit mille âmes : celle
du Khanat n’excède pas le quadruple de ce chiffre.
La [»lus grande partie est de race uzbeke ; un tiers
seulement sont des Hézarèhs Ser-Djinguelis. Ser-Peul
1 L’oléandre (Khur-Zàlireh), autrement dit le poison des
ânes, est un arbuste très-commun dans tout l’O r ie n t .— Ed.
se trouve dans une position très-favorisée de la nature,
au milieu d’une vallée arrosée par d’abondantes
eaux, qui coulent des montagnes environnantes et se
réunissent pour former une rivière, laquelle se dirige
ensuite du côté de Chibbergân. On faisait la récolte
quand nous y arrivâmes ; les cultures me parurent
très-étendues, comme aussi les vergers d’arbres fruitiers.
Mahmoud-Khan, gouverneur de Ser-Peul, est gendre
de Mir-Wali-de-Khoulm, et l’un de ses meilleurs
comme de ses plus fidèles alliés. L’influence de ce
chef s’étend au loin parmi les Eïmaks de la fcaropa-
misade, et il en est fort redouté à cause de sa bravoure,
qui est devenue proverbiale dans le pays. Il n’inspire
pas moins de crainte aux Khans uzbeks, ses voisins
, et une lettre de lui produit autant d’effet sur
eux qu’une armée. Ce Khan est un homme d’environ
quarante ans, de forie taille et de moyenne grandeur,
dont la physionomie est ouverte et bien caractérisée;
c’est un type persan bien plus, que tartare. Mahmoud-
Khan est cependant de race uzbeke; mais son type
s’est sans doute modifié par suite du mélange de
sang, car, d’après ce qu’on m’a dit, ses aïeux
depuis trois générations se sont constamment alliés
à des femmes persanes de Kaboul. Mahmoud-Khan
entretient en permanence deux mille cavaliers bien
montés et un nombre égal de fantassins : il peut au
besoin tripler cet effectif.
Le bien que j’avais entendu dire de Mahmoud-Khan
par tous ceux qui m’en avaient parlé me décida à ne
rien lui cacher de mes affaires, et dès que nous fûmes