
ments, pour 11e pas s’exposer à être induit en erreur.
Il n’y eut certainement pas dix personnes à Téhéran
qui surent exactement comment avait eu lieu le
massacre de Kérend, pendant l’année qui suivit. Pour
mon compte, c’est seulement en 1845, lors de mon
passage dans cette localité, que j’acquis les premières
preuves de la fausseté du rapport fait au Chah par
son premier ministre, et après cinq autres années
qu’il me fut donné de connaître l’exacte vérité.
Hadji-Khan n’avait eu à reprocher aux Kérendiens
que la mauvaise volonté qu’ils apportaient à lui payer
l’impôt ; c’est ce qui l’avait décidé à se rendre chez eux
accompagné de huit cents hommes, dont trois cents
Gholams *, d’origine turke, qui furent logés avec
lui dans les maisons du village. Les cinq cents autres
étaient des canonniers et desfantassins appartenant à la
province de Kermanchâh, qui s’arrêtèrent et s’établirent
à une portée de canon de Kérend, dans un cara-
vansérail-châh et dans les huttes des jardins avoisi-
1 Gholam est le terme employé pour désigner un esclave et
il représente, de nos jours, un officier civil d ’un rang in fé rieu r,
ou un agent de police. Ce mot correspond à celui de Cavass
en Turkie. 11 y en a un certain nombre attachés aux ambassades
européennes qui résident en Perse. Le Chah a autour de lui,
une garde destinée à protéger sa personne, et on appelle ces
soldats les gholams du Châh.
Les Russes n’emploient les gholams que pour leur faire
porter des dépêches , et servir d ’escorte en compagnie de
leurs cosaques. Les gholams des diplomates anglais accompagnent
aussi et font l ’office de courriers, depuis l’époque où la
cavalerie régulière des Indiens, qui suivait l ’ambassadeur de la
Grande-Bretagne, a. été supprimée, lors de la mission de sir
Gore Ouseiey, laquelle dura de 1812 à 1818.— H.
nants. La plupart des Kérendiens prévoyant des violences
de la part du gouverneur et de ses Gholams
turks, avaient prudemment, malgré les rigueurs de
l’hiver, envoyé leurs femmes et leurs filles dans les
montagnes : les autres, plus confiants, les gardèrent
près d’eux dans le village. Hadji-Khan manifesta dès
son arrivée les intentions les plus sévères à l’égard de
ces villageois, et il fit prélever l’impôt et les vivres
dont sa troupe avait besoin, avec une violence sans
égale. La taxe de chaque habitant, déjà considérablement
augmentée par le gouverneur, devint encore
plus onéreuse, par suite de l’avidité des agents subalternes.
Chaque gholam agissait en tyran avec le
maître de la maison dans laquelle il était logé, et mettait
ses provisions au pillage, sans qu’il trouvât la plus légère
opposition de la part du malheureux opprimé.
Quand ils furent ivres, ils voulurent violer les femmes
et les filles et quelques-uns d’entre eux, après les avoir
souillées, couvrirent d’ordures les têtes de leurs victimes,
ce qui, en Perse, est la plus cruelle injure.
Hadji-Khan répondit aux plaintes qui lui furent
adressées à'ce sujet par des plaisanteries empreintes
du cynisme le plus révoltant, et pour ajouter au désespoir
de ces malheureux, il envoya aussitôt ses gens à
la découverte, avec l’ordre de lui amener les deux
plus jolies filles du village, dont il voulait lui-même
abuser. Un de ses domestiques s’étant présenté, avec
l’intention de remplir cet ordre, dans la maison de
l’un deâ principaux habitants, rencontra, au lieu de
la belle qu’on lui avait indiquée, un père furieux
qui lui fit une large blessure à la tête. Mais ses cama