
servent particulièment entre elles de cette substance
vénéneuse. Comme, les jours suivants, je ne pris que
de légers bouillons de poulet, que je faisais cuire
à côté de moi, mon drôle ne trouva sans doute pas
l’occasion de renouveler son expérience sur ma personne,
mais ce n’est pas l’envie qui lui en manqua,
car plus tard il se van la publiquement de son crime
à Hamadân. Il s’était aperçu que je cachais soigneusement
mon identité en Perse, et il avait espéré
se débarrasser de moi à petit bruit, pour s’emparer
de ce qui m’appartenait ; nul, en effet, ne se serait
occupé de ce que je serais devenu, et si, plus tard,
on avait fait des recherches, rien n’aurait pu prouver
la culpabilité d’Ivan.
Bisutoun.—13 avril,—6 farsangs, que l’on franchit
en neuf heures, par une route plate et facile, en laissant
à une grande distance, sur la droite, les monts
du Louristan encore couverts de neige, et en longeant
de très-près, sur la gauche, ceux du Kurdistan
, énormes blocs de rochers arides et abruptes,
sans un pouce de terre végétale.
J’étais tellement faible en partant, qu’il fallut me
hisser sur mon mulet e t, si l’on ne m’eût fixé sur le
bât de ma monture en m’attachant avec des sangles,
j’aurais certainement fait vingt chutes avant d’arriver
au gîte. Une heure après avoir quitté Kermanchâli,
nous traversâmes le Kerkha (appelé aussi Keraliet Kara-
Sou, qui va se jeter dans le Chat-el-Arab 1 et qu’on
i Littéralement parlant : la rivière des Arabes, c’est ainsi
qu’on appelle les courants d’eau du Tigre e t de l’E u p h ra te , qui
se je tte n t l’un dans l’autre au-dessous de Korna.
— îàl —
pense être le Gnide des anciens) sur un heau pont
construit en briques, à côté duquel se trouve un cara-
vansérail-châh tombant en ruines. A quatre autres
heures de marche de là, les montagnes, en se rapprochant
graduellement, forment un défilé, à l’entrée
duquel gisent d’immenses blocs de marbre, dont
quelques-uns sont des chapiteaux de colonnes, fort
artislement sculptés. Ils ornaient sans doute un monument
dont les fondations, qui se composent d’assises
de pierres de taille, sont encore très-apparentes,
quoique au niveau du sol. On doit conclure de leur
peu d’étendue qu’elles furent celles d’un temple ou
d’une habitation particulière.
Bisutoun est un petit hameau de dix-huit maisons,
gioupe autour d un caravansérail-chah. Les monie-
gnes de rochers au pied desquelles il est situé sont
couvertes de bas-reliefs, que les Persans attribuent au
ciseau de leur fameux sculpteur Ferhad ; l’explication
s’en trouve aussi dans l’ouvrage de Malcolm'. On
1 Voici en quels termes sir II. Rawlinson décrit la position
géographique de Bisutoun: « D’Anville est le premier qui a reconnu
dans cette place une identité bien sérieuse avec Baghistan,
1 ancienne ville des Grecs, e t tout porte à croire q u ’il é ta it dans
e vrai. L étymologie même de ce nom confirme les assertions
du géographe. Baghistan veut dire en persan la « ville des ja r -
ins », et ce nom dérivé sans doute des nombreux jardins de
p aisance, traditionnellement attribués à Sémiramis. Bostane a la
même signification e t n ’est qu’une contraction du premier de ces
noms. La chaîne de montagnes qui bordent la plaine de Ker-
manchâh, appelée Jabali-Bisuloun par les géographes, est aussi
nommée, h l’une des extrémités, Takhl-EI-Boslane. Quant a l ’évi-
ence émanee de la d escrip tio n , nos lecteurs eu jug ero n t eux-
mêmes. Les rocs escarpés, hauts de 17 stades, qui s’élèvent vis-à»